Lors de son adresse au Congrès, le 4 mars, Trump a inventé
un nouveau «rêve américain» qui n’a rien à voir avec celui qui fut défini par
l’historien James Adam Tuslow en 1931 ni à celui auquel se réfère les
républicains ou celui auquel se réfère les démocrates où l’individu est le
détenteur de ce rêve mais qui ressemble comme deux gouttes d'eau au «rêve
chinois» de Xi, un rêve essentiellement nationaliste, impérialiste et de
puissance où l’Etat en est le destinataire et le propriétaire.
Rappelons succinctement ce que sont ces deux rêves.
A tout seigneur, tout honneur, le fameux «rêve américain»,
terme inventé par James Adams Truslow, dans son livre «L’épopée de l’Amérique»
(«The Epic of America»).
Ce rêve demeure le concept le plus emblématique de ce que
recouvrent les Etats-Unis à la fois comme pays, comme nation et comme idéal.
Des premiers pèlerins qui accostèrent sur les côtes du
Massachussetts au 17e siècle aux illégaux sud-américains qui traversent
quotidiennement la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis en passant par
tous les Européens qui débarquèrent à Ellis Island, tous ceux qui ont décidé un
jour de partir vers cette terre promise moderne le recherchaient.
Comme cela reste le cas de tous les Américains
d’aujourd’hui, descendants des uns et des autres.
On peut le qualifier lapidairement par la formule «avoir une
vie meilleure».
C’est à la fois concis et précis mais ne donne aucunement la
dimension multiple qu’il a toujours eue.
On peut même affirmer que chacun des Américains, plus,
chacun de nous, habitants de la planète, a son propre «rêve américain».
Ce qui fait qu’il est «américain» depuis plus de deux
siècles, vient de cette croyance qu’il est possible de le réaliser aux
Etats-Unis et pas ailleurs, ce pays où même la Constitution reconnaît à tout
citoyen le droit à «la poursuite du bonheur».
Passons au rêve chinois créé à l’orée du 21e siècle et qui,
selon une définition donnée par l’agence de presse officielle du Parti
communiste chinois Xinhua, est de faire de la Chine «une nation socialiste
moderne, prospère, puissante, démocratique, culturellement avancée et
harmonieuse».
Et Xinhua, pour expliquer tout l’intérêt stratégique de ce
«rêve» cite Kim Jin Ho, un universitaire Sud-coréen, qui déclare qu’«une nation
sans rêve ne pourra pas survivre dans la compétition entre toutes les nations
de la Terre. Si la Chine veut faire la différence (...), elle se doit d'avoir
un rêve et de le poursuivre sans relâche».
Ce qui est intéressant dans la définition de ce rêve, c’est
qu’il est avant tout celui d’une entité, la «nation» qui retentira alors sur
chaque Chinois ce qui s’oppose diamétralement au «rêve américain» qui est avant
tout individuel et qui, collectivement, n’est que la somme des rêves de chaque
individu, c’est-à-dire la réussite de sa vie, à la fois, spirituellement,
intellectuellement et matériellement.
Un rêve vient donc d’en haut (le chinois) et l’autre d’en
bas (l’américain) si l’on veut schématiser.
Plus profondément, c’est bien l’Etat chinois qui est le
pourvoyeur du rêve alors que l’Etat américain n’en est que le facilitateur.
D’un côté, une vision holistique du rêve, de l’autre une
recherche personnelle.
Bien entendu, pour que le «rêve américain» puisse se
réaliser, il faut comme condition préalable, l’existence d’une démocratie
libérale qui garantit la liberté à chacun.
En revanche, le «rêve chinois» n’a guère besoin de cette
liberté, sa caractéristique première étant de créer une société «harmonieuse»
par le socialisme scientifique, c’est-à-dire par une voie unique à laquelle
chacun doit se plier.
Er voici maintenant ce que Trump a déclaré:
«Le rêve américain est en plein essor, plus grand et
meilleur que jamais. Le rêve américain est inarrêtable et notre pays est sur le
point de connaître un retour en force comme le monde n'en a jamais connu et
n'en connaîtra peut-être jamais plus.»
Mais, comme on vient de le voir, le rêve américain n’a
jamais été un rêve de puissance alors que le chinois l’est.
Tout simplement parce que le rêve américain jusqu’à présent
était accolé à la démocratie alors que le rêve chinois l’était à un régime
dictatorial.
Le rêve américain est un rêve de réussite pour les individus,
pour la classe moyenne selon les démocrates, pour ceux qui veulent faire
fortune pour les républicains.
Ainsi dévoyé, le rêve américain selon Trump est d’abord une
volonté de domination tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur d’un pouvoir
fort qui s’arroge tous les droits et qui se veut avant tout impérialiste.