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vendredi 7 février 2025

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Plus grand-monde ne veut être «au service des autres»


«Au service des autres», cette notion a perdu non seulement son attractivité mais également de son attraction en tant que mission estimée et estimable.

Désormais, une majorité de personnes considère que le service rendu à l’autre – gratuit ou rémunéré – c’est se rabaisser, c’est être un inférieur, c’est abandonner sa fierté, c’est être le larbin des autres, l’opprimé, une sorte de serf ou d’esclave moderne…

Une complète aberration car «rendre service», «être utile» dans son activité professionnelle, «servir à quelque chose» donne souvent du sens à son existence, apporte cette vraie fierté de celle qui élève et permet de l’estime de soi.

Toujours est-il que du serveur de restaurant au médecin, en passant par l’enseignant ou le journaliste, le service aux autres est en crise.

Pas de la même manière.

Pour l’emploi de serveur ou la profession de médecin et d’enseignant, c’est une «crise des vocations».

Les restaurants ont du mal à trouver du personnel tout comme les hôpitaux et les écoles en partie parce qu’il faut s’occuper des autres.

Dans d’autres cas, comme les journalistes, ce n’est pas une crise des vocations mais la notion même du métier – ici, donner de l’information aux autres – qui est contestée pour être remplacée par des sortes de tribunes libres continuelles où l’information n’est plus qu’un moyen de se mettre en avant et non une fin.

De nos jours être influenceur sur les réseaux sociaux où l’on parle sans fin de soi, de sa vie, de ses choix, de sa vision du monde, etc. est bien plus prisé comme activité et pas seulement parce que l’on peut faire fortune.

Influenceur c’est pouvoir être dans l’égotisme total où l’autre n’est qu’un faire-valoir qui vous fait gagner de l’argent tout en lui délivrant sa bonne parole sur tout et n’importe quoi tout en se mettant en scène dans des vidéos à son propre culte.

«Recruter» un influenceur est donc beaucoup plus facile que de recruter un enseignant, un médecin, une infirmière, un policier ou un pompier.

Faire de la politique de nos jours ne consiste plus souvent à rendre service aux autres mais à se mettre en scène, à poursuivre un plan de carrière et à briller dans les médias.

Dans cette dernière activité, créer le buzz est bien souvent plus important que de participer concrètement à la direction du pays et à régler les problèmes, ce qui amène à être dans le spectacle permanent avec une volonté d’être glorifié et non dans une mission où prime la notion de devoir envers la société, d’être à son service.

Rien ne permet de dire que l’on peut inverser cette tendance parce qu’elle est la conséquence de l’évolution de nos sociétés modernes avec la montée de l’autonomisation égocentrique des individus qui est de plus en plus prégnante et qui s’accompagne d’un comportement irresponsable, irrespectueux et d’une demande d’assistanat.

Et c’est l’objectif même de la démocratie républicaine libérale qui est corrompu.

Car le projet démocratique est bien de permettre à l’individu d’être de plus en plus autonome afin de prendre sa vie en charge mais tout en étant responsable de ses choix et de les assumer tout en respectant la dignité de l’autre mais aussi la communauté dans laquelle il vit.

Or cette autonomisation débridée et uniquement tournée vers soi sans assumer les responsabilités et les devoirs qui vont avec envers l’autre et sa communauté provoque des comportements où l’on considère que tout ce qui n’est pas une déférence à soi des autres est un abaissement inacceptable de sa personne.

Le bien vivre ensemble, voir le vivre ensemble tout court, est donc menacé de se transformer en espace de continuelles revendications autocentrées et dont la crise du service aux autres en est un des phénomènes les plus emblématiques.

Alexandre Vatimbella