Evidemment, le populisme n’est pas une invention nouvelle, il existe depuis que la politique existe – et son empreinte sur la démocratie dès sa naissance a toujours été une réalité – mais ces inventions – marketing, télévision, internet ainsi que le recours systématique à l’enquête d’opinion dont la plus célèbre est le sondage – ont sans nul doute révolutionné la manière dont le politique s’adresse aux citoyens en modifiant en profondeur son message, son contenu et sa forme et, in fine, sa manière d’agir.
Le marketing a ainsi permis de faire élire un politique comme un savon et a privilégié le slogan au programme élaboré, l’élaboration d’un récit – le désormais fameux «story-telling» plutôt que l’élaboration d’un programme politique cohérent.
La télévision a ainsi permis au «savon» politique d’inonder quotidiennement ses «clients» électeurs des «bulles» de ses promesses avec des images de plus en plus travaillée qui suscitent les émotions nécessaires à l’adhésion à une «cause».
Internet, lui, a permis d’échanger en temps réel sur les qualités réelles ou supposées du «savon» politique et de ses bulles tout en créant des polémiques sans fin et des attaques de bas étage contre les «savons» concurrents qui nettoieraient bien moins et dont les bulles feraient pschitt! Immédiatement.
Sans oublier le sondage qui permet par l’utilisation de ses résultats – on peut faire dire tout et son contraire tant les questions sont parfois totalement orientées – au «savon» de convaincre qu’il est d’accord avec le «peuple» sur la manière de nettoyer le pays (alors qu’il ne s’agit que d’un panel «représentatif de la population française»).
Et, en miroir, la télévision, internet et le sondage sont aussi devenus des outils qui forcent les «savons» politiques à coller au plus près des opinions souvent au relent très populistes qui émanent des interventions d’individus lambdas ou de sondés.
L’union de ces outils a ainsi transformé, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et surtout ces soixante dernières années, la communication des politiques qui a, petit à petit, inclus l’immédiateté et la proximité ainsi qu’un suivisme sur ce que disent les «gens» comme les sondés – personne ne croit un instant les propos de certains d’entre eux qui affirment ne pas gouverner avec les sondages – ou les intervenants sur les réseaux sociaux.
Tout ceci donne sans conteste une prime au discours populiste puisqu’il s’agit en l’occurrence de coller au plus près aux réactions de la population et/ou des militants et sympathisants de telle ou telle formation clientéliste.
Ce qui évidemment amplifie les réactions qui sont épidermiques et émotionnelles, sans parler des agirs violents et des propos insultants.
Cette prise en compte participe grandement à la lente transformation – qui s’est accélérée depuis une décennie – de la démocratie représentative en démocratie populiste.
La puissance des mouvements populistes radicaux actuels est d’ailleurs une preuve de ce basculement et de sa réussite autant que l’aboutissement d’un processus qui a permis à celle-ci de s’imposer.
Dans cette démocratie en cours de «populisation», les tribuns démagogues qui parlent fort ont un avantage évident et les exemples abondent en ce sens (Jean-Marie Le Pen, Donald Trump, Jean-Luc Mélenchon, Boris Johnson, Matteo Salvini, Erdogan, Viktor Orban, Giorgia Meloni, Marine Le Pen, Eric Zemmour, etc.).
Mais, tout aussi inquiétant, est également la «populisation» des partis politiques qui sont traditionnellement le socle de la démocratie républicaine libérale, ceux qui font partie de l’axe central (des sociaux-libéraux de gauche aux libéraux de droite en passant par les libéraux sociaux centristes).
Aucun n’y échappe, de la Gauche à la Droite en passant par le Centre même si le mouvement ne les a pas encore fait basculer dans le populisme pur et dur.
Peut-on inverser ce mouvement in fine pour la démocratie républicaine?
Personne ne le sait vraiment, ce qui est créateur d’angoisse chez les défenseurs de la démocratie.
Sans doute que des solutions de long terme seraient capables d’empêcher le cours du populisme de contaminer les sociétés démocratiques comme une formation et information citoyennes qui ont jusqu’à aujourd’hui échoué notamment parce qu’on ne s’est pas donné les moyens d’en faire les priorités des priorités.
Aura-t-on le temps de s’atteler à la tâche avant ce qu’on peut appeler la grande régression?
Parce que le jour où la démocratie sera dominée par le populisme, il ne faudra pas longtemps pour qu’il ne la détruise.