La démocratie, c’est évidemment la liberté de penser et de le dire donc, entre autres, de revendiquer sur tous les sujets, de la politique à l’économie, en passant par le social et le sociétal, de demander que les voisins fassent moins de bruit à ce que le coût de la vie soit moins élevé, d’être mieux protégé ou d’être moins surveillé…
Une revendication c’est réclamer, voire exiger, ce qui est considéré par le revendicateur comme lui revenant de droit, comme lui étant dû, comme lui étant nécessaire voire indispensable.
Mais on peut également revendiquer simplement sa reconnaissance, sa dignité, son individualité.
Reste qu’il existe également ce que l’on appelle en médecine, le «délire de revendication» qui est, selon la définition du CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales) une «attitude délirante chronique systématisée, caractérisée par une activité psychique polarisée vers l'obtention de satisfactions, de réparation pour des injustices supposées».
Et l’on a nettement l’impression qu’un délire plus ou moins similaire semble de plus en plus contaminer et menacer la démocratie représentative.
Plus, ce délire serait concomitant avec la montée de l’autonomisation de l’individu, donc une conséquence de la démocratie représentative elle-même qui la détruirait de l’intérieur.
Ainsi, plus l’individu ou des groupes d’individus structurés ou non s’autonomisent, plus ils revendiquent en estimant que leurs intérêts passent non seulement avant ceux de la communauté dans laquelle ils vivent – ce qui est une conséquence négative de la démocratie moderne tout court quand elle est systématisée – mais que la légitimité de leurs demandes sont toujours supérieures à ces derniers.
On comprend bien ce que ce phénomène a de déstabilisant notamment si l’on prend quelques exemples de ces mouvements revendicatifs ces dernières années au niveau français, des gilets jaunes (anti-taxe écologique) aux gilets rouges (anti-réforme des retraites) en passant par les mouvements anti-covid ou écologique radicaux, entre autres.
Ces mouvements sont souvent populistes et extrémistes mais ils dépassent ce cadre en agrégeant de multiples autres revendications.
Et ils sont généralement plus «contre» que «pour», c’est-à-dire qu’ils manifestent une opposition sans offrir d’alternatives crédibles.
Ce qui, là aussi, les rend particulièrement dangereux pour la démocratie représentative.
Car ces revendications, dans un tel régime devrait théoriquement suivre un autre cheminement.
Elles devraient être portées à la connaissance des élus qui devraient en débattre puis prendre des décisions.
Quant aux revendications individuelles (qui peuvent être identiques à plusieurs individus sans pour autant se retrouver dans un mouvement plus ou moins structuré), elles sont boostées par les nouvelles formes de communication dont bien évidemment les réseaux sociaux.
Si l’on se penche sur le contenu de ces demandes individuelles ou collectives, ce qui les rend dangereuses et délirantes, c’est qu’elles sont très souvent dans le déni du réel et donc irréalisables dans le cadre d’une gestion rationnelle de la société.
Sans parler qu’elles peuvent être contradictoires comme le fameux paradoxe où l’individu demande à payer moins d’impôt tout en souhaitant une plus grande intervention de l’Etat!
Car le délire dont on parle ne s’embarrasse pas de cohérence, il est avant tout émotionnel, c’est d’ailleurs ce qui fait qu’il est capable d’agréger une multitude de personnes qui ressentent l’injustice souvent difficilement cernable de ne pas avoir droit, selon eux, au «respect» que leur doit la société.
La montée de ce délire de revendication semble pour l’instant inexorable et pose bien la question essentielle que la démocratie républicaine actuelle doit résoudre pour ne pas disparaître: mettre de la responsabilité et du rationnel dans le comportement de ses membres afin qu’ils soient des citoyens capables de gérer un système qui exige autre chose que des demandes sans fin issues de «moi, je» individuel ou collectif.
Alexandre Vatimbella