Peut-on expliquer les dérives actuelles des médias par l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux? En partie, seulement, car ce serait oublié que la presse fut d’abord d’opinion avant d’être d’information puis populaire voire populiste avant d’être factuelle. Il est évident que la concomitance entre la création des chaines d’info en continu et d’internet a introduit un élément moteur de ces dérives qui est la nécessité d’alimenter sans discontinuer le fil d’information avec tout ce que l’on peut et avec tout l’arsenal de la communication. D’où une absence encore plus grande de hiérarchie dans les informations et la trituration d’une information au-delà du concevable. S’est ajoutée une concurrence débridée entre les chaines d’info en continu entre elles, des sites et réseaux sociaux d’internet entre eux mais aussi de ces chaines, sites et réseaux entre eux, à la fois, sur la recherche d’informations qui peuvent faire le buzz et sur la manière de racoler le plus de public (soit global, soit particulier) possible.
Aujourd’hui, on peut malheureusement dire qu’en ce qui concerne le journalisme nous ne sommes plus dans l’information, ni même dans l’information spectacle mais dans la communication où l’information n’est qu’une matière première et non plus l’objectif final, c’est-à-dire que ce qui est privilégié n’est pas les faits mais les commentaires qui les accompagnent voire des commentaires sur des faits qui auraient pu se produire ou qui pourraient se produire.
Si la presse n’a jamais été parfaite, loin de là, elle est néanmoins devenue un endroit où il est de plus en plus difficile de s’informer parce que l’information est manipulée soit à des fins commerciales, soit à des fins idéologiques.
S’il semble impossible dans une démocratie de faire autre chose que de réguler ad minima ces tendances et cette réalité, rien n’empêche, en revanche, de créer aux côtés de ce secteur privé, un vrai service public de l’information citoyenne dont la mission serait d’apporter les faits, de les expliquer mais de ne jamais être dans le commentaire, c’est-à-dire de faire ce que le journalisme aurait dû toujours faire et qu’il n’a pratiquement jamais fait.
Un service public évidemment indépendant du pouvoir en place et des forces politiques, économiques, sociales et culturelles dont la mission et la charte déontologique seraient très précises et dont l’application serait confiée à une autorité indépendante élue.
Cette information citoyenne serait délivrée à côté de celle que délivrent les médias commerciaux et/ou partisans.
Ainsi, les deux fondements de l’information dans une démocratie républicaine libérale seraient mis en œuvre:
- donner les éléments qui permet au citoyen d’être correctement informé pour qu’il puisse prendre les décisions le concernant et concernant la communauté dans laquelle il vit en disposant des éléments nécessaires à ses choix;
- permettre à tous de pouvoir s’exprimer dans le cadre de la liberté de pensée et donc de la liberté d’expression et de pouvoir faire passer son message auprès de la population et de pouvoir convaincre de la justesse de ses idées.
Il n’y a qu’un système vraiment dual qui permet cela.
Aujourd’hui, aucun service public de l’information dans aucune démocratie ne remplit le rôle d’être un canal d’information citoyenne, à la fois, parce qu’il est souvent en concurrence directe avec le secteur privé et parce qu’il est systématiquement partisan.
La tâche est donc d’en mettre un sur pied qui réponde à tous les critères d’une vraie information citoyenne.
Alexandre Vatimbella