Le fantasque et surtout libertarien radical patron de Tesla
et de Space X, Elon Musk – homme le plus riche du monde actuellement –, va prendre
le contrôle de Twitter avec l’ambition pour celui qui se définit comme un «absolutiste
de la liberté d’expression» d’en faire un réseau social entièrement «libre»,
sous-entendu sans aucune restriction où chacun pourra dire ce qu’il veut sur le
modèle poussé à l’extrême de la liberté d’opinion en cours aux Etats-Unis, pays
le plus libéral, diront certains, le plus permissif, diront d’autres, de la
planète.
Car, comme le rappelle le philosophe Raphaël Enthoven à
propos de ce rachat, «la liberté absolue, ce n'est pas la liberté, la liberté
absolue, c'est la loi du plus fort».
Et d’ajouter qu’«en matière d'opinion, considérer qu'on peut
avoir le droit de tout dire, c'est la liberté du renard dans le poulailler».
Nous partageons ce point de vue même si nous préférons
appeler la liberté sans frein, de la licence pour bien séparer la liberté de
son dévoiement dans sa pratique.
Le projet de Musk est donc de permettre aux utilisateurs de
Twitter de dire tout et n’importe quoi au motif que la liberté d’expression ne
doit jamais être bridée.
Cette vision est celle de tous les élucubrationistes
(complotistes) et propagateurs de fake news mais aussi de tous les haineux qui
déversent sans cesse leur fiel sur le web ainsi que des appels au meurtre.
Et le milliardaire le sait pertinemment.
Et il sait que ce n’est plus de la liberté.
Et il sait que c'est de la licence qui est la prédatrice de
la liberté.
C’est d’ailleurs la vision de Donald Trump dont on rappelle
que Twitter a décidé de fermer son compte après sa tentative de coup d’Etat.
Pour autant, le réseau social est loin d’être aujourd’hui un
modèle de modération et d’agir envers ces menaces pour la démocratie avec la
célérité nécessaire, ce qui en dit long sur le projet de Musk qui le considère
lui comme faisant trop de censure...
Mais rappelons une autre évidence: Twitter comme Facebook et
tous les autres réseaux sociaux d’Instagram à Tik Tok en passant par Telegram,
sont des sociétés privées créées par des entrepreneurs qui en ont eu l’idée.
Dès lors, nous avons tous le choix de participer à leur
activité ou non.
En revanche, s’ils ont le droit d’édicter les règles qu’ils
veulent pour leur utilisation, celles-ci ne doivent pas contrevenir aux lois
des pays où ils sont installés et/ou ils ont une activité.
C’est ce que le Commissaire au marché intérieur de l’UE,
Thierry Breton a rappelé: «en Europe, les choses sont claire, Twitter doit s’adapter
à nos règles».
Et de préciser:
«La donne a changé en Europe. Nous sommes le premier
continent au monde à imposer des obligations aux plateformes pour qu'elles
aient le droit d'opérer chez nous. Ces obligations respectent la liberté
d'expression, les valeurs européennes et nos règles de droit. Elles leur
imposent de lutter contre les discours haineux, le harcèlement en ligne ou les
appels aux actes terroristes. Et ce quelles que soient les velléités de leurs
propriétaires et de leurs conseils d'administration.»
Sans doute que la solution à cette problématique sans fin sur
le fonctionnement et le contenu de réseaux privés qui veulent s’affranchir des
règles serait la création d’un réseau public fonctionnant comme un vrai service
public universel confié à une autorité indépendante.
Un réseau qui serait mieux adapté à une liberté d’expression
et non à une licence qui veut faire croire qu’elle en fait partie.
Reste qu’il ne semble pas que la communauté internationale –
ni même d’ailleurs la communauté des pays démocratiques – soit demandeuse d’un
tel projet…