Il y a vingt ans, quand l’euro devint la monnaie unique de trois cents millions d’Européens, les critiques fusaient sur cette création dont beaucoup de «spécialistes» prédisaient qu’elle serait un rapide fiasco quand les nationalistes fustigeaient cet abandon de souveraineté qui découlait d’une deal entre François Mitterrand et Helmut Kohl, une devise européenne contre la réunification de l’Allemagne.
La difficulté pour le grand public de faire la conversion avec leur ancienne monnaie a nourri nombre de fantasmes sur les vices plus ou moins cachés de cet euro qui fut accusé d’être au service de la «finance mondiale» et de provoquer pour le citoyen une inflation dont profitaient sans vergogne les commerçants et les industriels qui avaient flairé le bon coup.
Mais, au bout de deux décennies d’existence, l’euro est devenu une évidence même aux yeux des extrémistes qui pourtant le pourfendaient avec toute la démagogie populiste possible et leur vision nationaliste étriquée.
Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance peut dire sans risque d’être contredit que «la monnaie unique est aujourd’hui le symbole de l’unité européenne» et qu’«elle est garante de notre stabilité, de notre indépendance et de notre prospérité».
Rien, bien sûr, n’assure sa pérennité dans le temps mais la crise grecque et les difficultés rencontrées par d’autres pays face à l’équilibre de leurs budgets et à d’importants déficits ont montré la résilience du système de la monnaie unique qui ne pourrait s’effondrer que si certains pays majeurs comme, évidemment, l’Allemagne, décidait pour une raison ou une autre, de le quitter.
Néanmoins, la crise engendrée serait sans doute catastrophique pour tous les pays membres dont ceux qui auraient pris cette décision (il est sans doute plus facile d’exclure un pays pour ses manquements à ses engagements même si cela ne se ferait pas sans dommages).
Politiquement parlant, l’euro est manifestement une réussite de la construction européenne même si tous les pays de l’UE ne l’ont pas adopté (ou n’ont pas les critères pour être éligible à celui-ci).
Cela signifie – et le Brexit le prouve – qu’un renforcement de l’union est bénéfique pour tous ceux qui sautent le pas et que de rester à l’écart est un lourd handicap.
La politique commune du charbon et de l’acier (CECA), celle de l’agriculture (PAC), le marché unique et donc l’euro ont bénéficié à tous les pays européens tout en solidifiant les relations entre eux et donc la paix.
La grande œuvre de la construction européenne a prouvé, dans les faits, qu’elle est une réussite majeure de la deuxième moitié du 20e siècle et de ce début de troisième millénaire malgré ses manquements, ses couacs et ses échecs.
Le plan de relance européen pour éviter la crise économique et sociale due à la pandémie de la covid19 s’ajoute bien sûr à la liste.
Reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’Europe puissance soit enfin un acteur à la dimension de ce qu’est l’Union européenne et afin que cette dernière soit cet acteur majeur de la mondialisation et des relations internationales.
Non pas pour une quelconque fierté mal placée mais tout simplement pour que les Européens soient maîtres de leur destin, puissent préserver leur civilisation assise sur les valeurs humanistes et protègent leur démocratie républicaine, leur liberté dans l’égalité.