Personne ne peut sérieusement penser une seule seconde que Vladimir Poutine, malgré ses dénégations, n’était pas au courant du projet de sa marionnette bélarusse, Alexandre Loukachenko, de fomenter une crise migratoire à la frontière de l’Union européenne et plus spécifiquement à celle de la Pologne.
Non seulement le dictateur de Minsk ne peut agir sans l’aval de son protecteur russe qui le maintient en vie mais le maître du Kremlin avait nombre de raisons de créer une tension avec l’UE et le gouvernement polonais.
Non, il n’y avait donc pas seulement et surtout un mouvement d’humeur du dictateur biélorusse contre l’Union européenne à cause des sanctions prises par cette dernière contre son régime répressif et violent, voire criminel, dans la cette provocation.
D’abord parce qu’il a fallu tout organiser pendant des mois pour amener des migrants des pays du Moyen Orient et de les lancer à l’assaut de la frontière de la Pologne.
Ensuite parce qu’il y a avait un dessein beaucoup plus large que de créer une simple pression afin de faire plier Bruxelles à propos des sanctions déjà prises à l’encontre de Loukachenko.
On peut ainsi lister tous les motifs qui ont amené cette crise et qui profitent, tous, à Poutine tandis que Loukachenko pourrait être le grand perdant de ce grand bluff.
Il y a d’abord la volonté de punir l’UE pour s’immiscer dans le pré-carré russe, que ce soit en Biélorussie, en Moldavie, en Ukraine et en Géorgie.
Poutine ne peut, ne veut, accepter que ces pays soi-disant souverains répondent aux sirènes européennes et que la dernière partie du glacis imaginé et voulu par Staline pour protéger l’URSS (et surtout la Russie) ne disparaisse.
Il s’agit, selon Poutine, d’intérêts vitaux pour son régime autocratique.
Ensuite, il y a la volonté d’affaiblir l’UE en montrant qu’elle est incapable de gérer une crise de cette sorte.
Pourquoi maintenant et en Pologne?
Tout simplement parce qu’en provocateur malin qui tente par tous les moyens de mettre les pays occidentaux en difficultés – les Etats-Unis en connaissent un rayon –, Poutine a voulu profiter des mauvaises relations actuelles entre la Pologne et ses partenaires européens suite à la politique anti-libérale menée par le gouvernement au pouvoir à Varsovie pour tenter de ridiculiser l’Union européenne.
Il voulait montrer au monde que l’UE est faible, que sa prétendue puissance n’est que de la poudre aux yeux et qu’à la moindre anicroche, elle recule systématiquement.
Sans oublier de la présenter comme inhospitalière aux persécutés de la Terre, en contradiction avec ses valeurs affichées et à créer des angoisses dans les populations de l’UE sur un «envahissement» dans lequel, évidemment, les populistes démagogues, amis de Poutine, n’auraient pas manqué d’affirmer que des terroristes islamistes s’étaient faufilés.
De même, Poutine a voulu envoyer un message aux Polonais en leur disant que l’UE ne les protègerait jamais assez face à la puissance russe et que l’allégeance, la réelle, celle qui découle de la force, devait se faire à Moscou et pas à Bruxelles – l’Ukraine en sait quelque chose.
En montrant cela, Poutine voulait que les Polonais en concluent que les Européens ne les aideraient pas aujourd’hui et encore plus demain et du coup s’éloigne de l’UE.
Message qui était également à destination de tous les pays satellites de l’ère soviétique intégrés désormais dans l’Union européenne, des pays baltes à la République tchèque en passant par la Hongrie.
Il s’agissait donc de tester la solidarité européenne et la force des liens entre les Etats-membres.
Enfin, et ce n’est pas le moins important pour Poutine, se poser, pour la Russie, en arbitre capable de dénouer la crise et trouver une solution.
Oui, il convient toujours de chasser Loukachenko du pouvoir après qu’il ait volé les dernières élections et qu’il emprisonne et tue ses opposants.
Mais, surtout, il ne faut pas laisser à Poutine l’occasion de s’attaquer impunément à l’Union européenne.
Malheureusement, il sera plus facile de prendre de nouvelles sanctions contre le régime en place à Minsk que d’en prendre tout court contre le maître de Moscou…
Parce que Poutine n’a pas entièrement tort sur la puissance de l’Union européenne.