Le fanatique, qu’il soit religieux ou politique, où qu’il vive, quoi qu’il pense obéit aux mêmes règles de comportement.
Dominé par ses passions où la raison – sauf la sienne! – n’a plus sa place, persuadé qu’il détient le mystère de la vraie vie, que celui-ci est bafoué par les autres, tous les autres qui ne pensent pas comme lui, il se veut le défenseur intransigeant de la «pureté» de la cause qu’il a épousé.
Souvent, il est prêt à sacrifier sa vie et, évidemment, surtout celle de ses «ennemis» sur l’hôtel de ses certitudes, celles qui ne souffrent, selon lui, aucune discussion.
Le fanatique est donc caractérisé par sa croyance absolue et inébranlable dans une «vérité» à laquelle il est prêt à se battre jusqu’à l’élimination de l’autre, celui qui ne croit pas comme lui à la même orthodoxie, qui ne rend pas grâce aux mêmes dogmes que lui.
Selon Hegel, «le fanatisme veut quelque chose d’abstrait, il ne veut pas d’organisation différenciée ou hiérarchisée. Là où apparaissent des différences, il trouve cette situation contraire à son indétermination et la supprime.»
On reconnait dans ce portrait, bien sûr, le fanatique gorgé de principes religieux exclusifs tel que nous le propose en ce 21e siècle, Daesh, Al Qaida, les Frères musulmans, les Talibans ou encore certaines sectes hindoues.
Mais également le fanatique politique gorgé de théories élucubrationistes (complotistes) tel que nous les ont révélé des mouvements comme le Tea party, les Gilets jaunes ou encore les Anti-vax, sans oublier les adulateurs de Donald Trump.
Ici, il faut faire ce parallèle évident où le fanatique religieux investit évidemment la sphère du politique qui ne peut être qu’inféodé à sa croyance et où le fanatique politique vit ses croyances comme une religion.
C’est qu’expliquait le philosophe romancier et sémioticien italien Umberto Eco:
«Les gens ne peuvent admettre que les choses arrivent ‘comme ça’. L’idée du complot est à la base de toute religion: il faut qu’il y ait une volonté à l’origine des événements, qu’elle soit d’origine divine ou humaine. Ainsi, le crime ou la grande catastrophe n’arrivent jamais par hasard ! Le complot machiavélique derrière les événements est une mythologie naturelle, qui répond à un besoin humain».
On comprend quels dérapages permet cette démarche erratique quand elle est dans les têtes de surexcités exaltés.
Voltaire écrivait que «le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère».
Et Diderot complétait la définition en estimant que «du fanatisme à la barbarie, il n’y a qu’un pas».
Pour le fanatique, l’investissement ressort du sacré, de la dévotion en une cause exclusive qui ne supporte pas l’existence de l’incroyant qui doit être éliminé ou empêché d’agir et de s’exprimer.
Il est atteint de «surdité volontaire» selon la juste formule de Victor Hugo.
Le fanatique est adepte de régimes totalitaires parce sa pensée est totalitaire.
Il serait donc temps de prendre conscience que le fanatisme élucubatrioniste est, in fine, d’une dangerosité comparable pour la démocratie au fanatisme religieux et que leurs buts sont identiques, inféoder la société à leurs croyances et évacuer tout rapport avec la réalité, même si le passage à l’acte dans ces dernières décennies, jusqu’à présent, a été surtout le fait des fanatiques de la religion.
Cette présence du fanatisme dans ce début de 21e siècle est une gifle pour les partisans de la démocratie républicaine parce qu’elle semble démontrer que les passions «tristes» – la haine, la peur, la colère, le mensonge, la violence... – décrits par Spinoza prendront toujours le pas sur le rationnel.
Or si nous ne devons pas vivre sans nos émotions qui nous permettent l’empathie, la compassion et la compréhension des sentiments d’autrui, la perception de son humanité et de son individualité, il ne saurait question que celles-ci remplacent nos capacités rationnelles vis-à-vis de la réalité.
C’est autant dans la transmission du savoir que dans un arsenal juridique que l’on parviendra à faire reculer le fanatisme.
Mais il serait illusoire de penser qu’il disparaîtra un jour.
La lutte ne cessera jamais parce qu’il en est de notre condition d’êtres qui vivent sans savoir pourquoi, qui cherchent des réponses et qui, pour certains, se rattachent à des idéologies fermées, donc rassurantes, d’explication d’un monde responsable de nos angoisses existentielles.
Mais ce combat humaniste est un des plus essentiels qui soit pour garantir le respect de la dignité humaine.
Alexandre Vatimbella