Ce ne sont pas les démocraties qui ont fait de la Chine leur pire ennemie mais bien la Chine qui a fait de la démocratie le régime à abattre.
En revanche, si la Chine est devenue l’ennemie publique numéro un pour la liberté dans le monde, c’est bien à cause des démocraties.
Ce sont elles qui ont sorti le pays de son sous-développement auquel il était voué à demeurer encore longtemps sans notre «aide» avec deux objectifs principaux.
Le premier, uniquement économique, était de profiter de la main d’œuvre à bas prix et docile pour produire en quantité à des coûts très bas et donc à des prix de vente sans concurrence.
Voilà qui arrangeait les entreprises mais aussi les consommateurs.
A cela s’ajoutait l’idée que le développement économique de la Chine permettrait à ces mêmes entreprises occidentales de s’ouvrir le plus grand marché de la planète, donc de réaliser des profits gigantesques.
L’idée était d’être doublement gagnant.
Le deuxième était que la croissance du pays créerait un appel d’air pour les valeurs de la démocratie qui serait conforté par la naissance d’une classe moyenne.
Mais le premier objectif était bien le principal.
On s’en rendit compte en 1989 lors la sanglante répression du mouvement démocratique des étudiants sur la place Tienanmen.
Si des sanctions furent prises contre le régime communiste – en particulier en matière de vente de matériel militaire – cela n’empêcha guère la progression de la relation commerciale qui permet aujourd’hui à la Chine d’être la deuxième puissance mondiale, en attendant peut-être de devenir la première et d’être une menace directe pour la démocratie.
Nous avons assisté sans broncher à la montée d’une dictature de plus en plus répressive dont la prise du pouvoir par Xi Jinping a été à la fois le point d’orgue et la nouvelle normalité avec un retour aux pratiques maoïstes de la pire espèce dont on peut voir les effets, non seulement, dans le musèlement de toute voix dissonante, dans la disparition de toute opposition mais aussi dans les terribles répressions au Tibet et au Xinjiang, sans parler de l’abolition de la démocratie à Hongkong.
De même, la politique étrangère extrêmement agressive des communistes chinois fait peser un péril gigantesque pour la paix dans le monde.
Son implantation dans la mer de Chine où son armée s’est installée au mépris de toutes les règles du droit internantional sur des îlots appartenant souvent à d’autres pays dans une politique du fait accompli démontre que la Chine n’a jamais été cet empire qui n’avait aucune volonté hégémonique et impérialiste comme sa propagande l’affirmait.
Cette fable diffusée jusqu’à plus soif pendant près de quarante ans voulait faire croire que les communistes n’avait qu’un but, assurer la cohésion du pays et rien d’autre.
Mais justement, si cette cohésion était en péril c’est bien parce que la Chine est, en réalité, faite de bric et de broc, qu’elle est tout sauf une nation «naturelle», un pays uni et qu’elle n’a jamais hésité à faire la guerre pour s’agrandir.
C’est bien sûr le cas pour le Tibet et le Xinjiang déjà cités, mais également pour toutes les régions qui avaient leurs différences culturelles et que Pékin au fil du temps et des dynasties impériales (en incluant celle du Parti communiste) a annexé sans vergogne en partant de ce petit royaume combattant de Qin qui gagna la guerre face à ses rivaux en 221 avant Jésus-Christ et dont la superficie représentait alors une infime partie de qu’est la chine contemporaine.
Le monde chinois est ainsi aussi divers que l’est l’Europe, un Cantonais et un Pékinois ayant autant de différence qu’un Français et un Allemand, la couleur de peau ne faisant évidemment pas l’unité ethnique et culturelle que la Chine tente de faire accroire.
Si demain on les laissait choisir, nombre de régions chinoises se prononceraient sans doute pour une indépendance.
De son côté le marché chinois – eldorado moderne pour les fantasmes des capitalistes occidentaux – ne fut ouvert que partiellement et, surtout, afin de bénéficier du savoir-faire occidental, pour le copier (et le piller par ailleurs avec l’espionnage scientifique et industriel) pour ensuite être refermé tout en continuant à inonder ceux des pays démocratiques.
Le tout avec une politique économique et commerciale qui ne respectait aucune norme internationale, avec un capitalisme d’Etat qui permettait de subventionnait sans cesse et à coup de sommes gigantesques des pans entiers de la machine de production, faussant la concurrence alors même que la Chine venait d’être admise à l’OMC…
Enfin – et ce n’est pas la moins grande de nos fautes – nous avons laissé la Chine polluer sans vergogne pendant des décennies et le faire encore aujourd’hui en gobant tous les mensonges qu’elle profère à ce sujet sur son action en faveur de l’environnement.
Cerise sur le gâteau, c’est peut-être les mensonges de la dictature chinoise qui ont permis à la covid19 d’être cette pandémie mondiale meurtrière dont nous ne sommes pas encore sortis depuis son apparition dans le Wuhan il y a presque deux ans.
Oui, nous, les démocraties, nous sommes responsables de cette situation à la fois par notre mollesse et, surtout, notre avidité.
Ces deux comportements nous ont amené à tout accepter du régime communiste chinois et à jeter aux orties nos valeurs et notre dignité.
Aujourd’hui, la puissance de la Chine ne nous permet plus d’agir pour la contraindre à changer son régime politique et son modèle économique.
Nous nous sommes nous-mêmes piégés alors même que nous aurions pu, dès le départ, demander des contreparties au développement du pays qui n’aurait pas pu avoir lieu sans nous.
Mais chacune des démocraties était tellement obsédée de retirer le plus de bénéfices sonnant et trébuchant de la croissance chinoise, que nous nous sommes fait la guerre pour plaire aux dirigeants communistes qui, évidemment, ont profité de cette course effrénée et de notre cupidité.
Tout est-il désormais trop tard et la dictature communiste a-t-elle définitivement gagnée?
Certes, le défi chinois est immense pour les démocraties.
Cependant laisser la Chine continuer sur sa lancée est un risque beaucoup trop important.
Nous avons fait Xi Jinping, à nous de nous en défaire par une action concertée qui ne peut être uniquement économique ou militaire, ou de soft-power.
Elle doit être globale, puissante et se mettre en place dans la durée parce qu’il en va, in fine, de la sécurité de nos pays et, encore plus essentiel, de la démocratie dans le monde.
Nous devons prendre nos responsabilités, celles que nous avons tant bafouées au cours de ces trois décennies que l’Histoire considèrera certainement comme celles du retour de la Chine mais tout aussi certainement comme celui du renoncement, voire de la capitulation, de l’Occident, donc de son déclassement.
A nous de faire en sorte que les trente prochaines années ne soient pas celles de la domination inconditionnelle et incontestée d’un régime dictatorial des plus brutaux que la planète ait jamais vu.
Alexandre Vatimbella