Aurait-on oublié Lyndon Johnson et Barack Obama, voire Bill Clinton?
En tout cas, on demeure interloqué par les propos d’éditorialistes aux Etats-Unis mais aussi dans le monde dont la France qui affirment que Joe Biden, sans doute encore plus centriste que les trois précités, serait devenu de gauche et aurait tourné le dos à la politique centriste du Parti démocrate.
A-t-on oublié l’agenda progressiste de Johnson avec les lois sur les droits civiques et sur la pauvreté et celui d’Obama qui fit passer la réforme la plus progressiste de l’après-guerre, la loi sur l’assurance-santé?
Et qu’il fut le président qui signa les accords de Paris sur le réchauffement climatique.
Et Obama ne put aller aussi loin qu’il le voulait dans les réformes (même si dans les deux premières années de son mandat, il y en eu plus que sous Johnson!), c’est simplement parce qu’il dut faire face à une crise sans précédent depuis 1929 avec la Grande récession due à la présidence du républicain George W Bush – crise qu’il réussit à juguler grâce à des mesures historiques dont une nationalisation de fait pour une durée limitée de l’industrie automobile qu’il sauva de la disparition pure et simple – et qu’il n’eut plus la majorité au Congrès à partir de 2010 avec des républicains qui pratiquèrent un blocage à chacune de ses initiatives.
Joe Biden, tout comme Barack Obama, a pris la dimension de la crise dont il a hérité d’un autre président républicain, Donald Trump.
Et les mesures qu’il a prises et les lois qu’il a fait voter au cours des 100 premiers jours de sa présidence ainsi que l’agenda qu’il a présenté au Congrès le 28 avril s’inscrivent dans la droite ligne d’une gouvernance centriste et progressiste.
Dire le contraire, c’est prendre ses désirs pour des réalités!
Et surtout se tromper sur le centrisme américain.
Celui-ci n’est pas celui du sénateur démocrate de la Virginie occidentale, Joe Manchin, qui se situe au centre-droit, à la frontière du conservatisme.
Il est celui, revendiqué, de Barack Obama et d’Hillary Clinton, réformiste, éclairé et progressiste.
Un centrisme pragmatiste dans la lignée de la philosophie de William James et de John Dewey, celui du Square deal de Theodore Roosevelt, de la Great society de Lyndon Johnson et du Fair shake de Barack Obama.
On peut y ajouter le New covenant de Bill Clinton ainsi que la Third way, la Troisième voie, dont il est le créateur et sa femme, Hillary Clinton, la digne continuatrice.
Et Biden s’inscrit dans ce mouvement, c’est-à-dire qu’il demeure le centriste qu’il a toujours été mais qu’il sait s’adapter aux circonstances qui, aujourd’hui, comme au temps d’Obama, impose une reprise en main où l’Etat est le principal maître d’œuvre.
D’ailleurs, c’est ce que fit également Franklin Roosevelt, présenté aujourd’hui par certains comme un socialiste alors qu’il était un démocrate conservateur, combattu par la gauche mais qui, pour sauver son pays et le monde du désastre, décida d’intervenir dans l’économie du pays.
On soupçonne ceux qui font de Biden un homme de gauche d’avoir de nombreuses lacunes sur l’histoire du centrisme américain mais aussi, ce qui est plus problématique, de vouloir démontrer l’inanité du Centre pour des raisons politiciennes qui n’ont rien à voir avec la réalité des centristes qui gouvernent et ont gouverné.
Alexandre Vatimbella