La faiblesse de la démocratie, le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, c’est ce qui fait sa solidité; la force de la démocratie, apporter la liberté et l’égalité à tous, c’est ce qui la rend fragile.
S’en remettre au choix du peuple pour élire ses dirigeants est un pari sur la responsabilité et la sagesse de celui-ci, voilà qui est évidemment fragile mais cela donne à la démocratie sa puissante légitimité et donc fait sa force par rapport à tout autre régime.
Donner la liberté dans l’égalité est le cadeau indépassable de la démocratie à chacun, qui lui donne cette aura particulière mais est également un pari sur l’humain qui peut être la source de tout désordre et revendication exagérés.
Les fragilités et les forces de la démocratie sont donc entremêlées et celle-ci ne peut exister sans leurs connexions.
D’où les corollaires qui vont avec.
Le premier est que la démocratie ne se défend pas toute seule, c’est-à-dire qu’elle ne peut exister sans une protection constante face à ses ennemis parce qu’il est facile d’instrumentaliser les bienfaits de la démocratie pour les retourner contre elle.
Le deuxième est que la démocratie ne peut pas vivre sur le temps long sans des individus de plus en plus responsables, c'est-à-dire de plus en plus formés et informés, donc capables de comprendre non seulement les enjeux de la démocratie mais aussi leur intérêt et d’adopter leurs comportements en conséquence pour être de véritables citoyens émancipés et non plus des gouvernés soumis du régime politique en place, des sujets à part entière de l’histoire qui se déroule et qui la modèlent et non des objets qui la contemplent passivement en la subissant.
Le pari démocratique est donc un défi constant face à des attaques et des dysfonctionnements récurrents qui impactent sa bonne marche.
Et il faut bien comprendre qu’il en sera toujours le cas.
Quelle que soit sa protection, quel que soit le degré du citoyen éclairé et averti, le processus démocratique comportera en permanence les mêmes fragilités parce que le monde sera immuablement gouverné en grande partie par les passions.
Même si la raison peut progresser, elle partira toujours avec un handicap avec ce qui fait de nous des êtres doués de sentiments.
Et c’est heureux car cela nous permet d’avoir de l’amour, de l’affection, de la solidarité, de la tolérance et de la fraternité pour l’autre, du respect pour sa dignité et de posséder des capacités si essentielles d’empathie et d’indignation face à l’inacceptable et l’insupportable.
D’autant que la raison dans sa froideur peut être aussi dangereuse que les passions si elle n’est pas portée par les valeurs humanistes.
Par ailleurs, il est bien évident que la démocratie ne sera jamais parfaite, que son organisation et que son fonctionnement sont toujours perfectibles et qu’elle aura du mal à réaliser tout le temps et pour tous en même temps ses promesses.
Mais même avec ses défaillances, elle demeure sans conteste le meilleur régime parce que ses bénéfices collectivement et individuellement parlant seront toujours bien meilleurs que ceux proposés par ses régimes concurrents.
Nous devons donc faire avec les friabilités de l’édifice démocratique et nous serons perpétuellement obligés de combler les fissures qui le lézardent sans interruption tout en renforçant constamment ses fondations.
Mais, en retour, cette démocratie, à la fois forte et faible, à la fois solide et fragile, donne des fruits à la saveur incomparable.
C’est si vrai que tous les peuples à travers le monde qui n’y ont jamais goûté ou si peu et ceux qui les ont déjà dégustés ne rêvent que d’en faire leur met principal et sont prêts à donner leur vie pour y avoir accès.
Oui, être à la table des Dieux pour prendre part au banquet se mérite même si nous devons préparer le repas et faire la vaisselle.
Alexandre Vatimbella