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samedi 24 octobre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La faillite de l’individu responsable?

La crise de la covid19 est un révélateur symptomatique de premier ordre sur les comportements humains, non pas seulement dans ce qu’elle pourrait enseigner de nouveau ou de cacher mais également dans ce qu’elle confirme un certain nombre de réflexions sur l’évolution des rapports sociaux et des comportements individuels ainsi que de grandes tendances les concernant dans les démocraties républicaines.

Un des fondements de l’existence pérenne de ces dernières est l’émergence, par la formation et l’information, d’un individu responsable, c'est-à-dire d’un citoyen capable de savoir et comprendre où est son intérêt mais aussi, de manière tout aussi prégnante, de savoir et comprendre où est sa responsabilité dans le collectif où il vit, en un mot être un citoyen, celui qui est capable, dans le cadre du lien social, d’utiliser au mieux ses droits et de respecter du mieux ses devoirs.

Or, le système politique des démocraties du XXI° siècle semble faillir à produire une telle personne et, au contraire, à faire émerger un humain à l’autonomie irresponsable, égoïste, irrespectueux au comportement essentiellement consumériste, n’ayant retenu du savoir qu’il lui est transmis que la réalisation de ses désirs par ces droits sans se préoccuper le moins du monde du bien vivre ensemble et des règles essentielles qui sont à sa base, c'est-à-dire ses devoirs.

Et une démocratie républicaine responsable ne peut pas survivre éternellement sans individus responsables.

L’impossibilité de parvenir à cette conscience et d’agir en regard des valeurs humanistes qu’elle véhicule par la majorité des membres de celles-ci montre qu’elles butent sur un mur dont il faut se demander sérieusement s’il est fait de briques que l’on peut desceller les unes après les autres comme l’espéraient ses premiers promoteurs ou s’il est constitué d’un béton armé inattaquable.

La réalité actuelle semble malheureusement devoir privilégier la deuxième composition.

La montée des populismes où les revendications égocentriques ne sont aucunement contrebalancées par des comportements altruistes en est une preuve tout comme les comportements égocentriques dans cette crise pandémique que nous vivons en ce moment où l’on entend plus des récriminations sur le devoir faire attention à l’autre, le plus faible et le plus exposé au virus – cet autre qui serait un empêcheur de jouir –, que la reconnaissance de l’obligation morale de respecter l’autre en appliquant les règles sanitaires pourtant d’une simplicité extrême mais, oui, contraignantes.

Cette situation se retrouve dans le monde entier et pas seulement en France.

De même, il ne faut pas obscurcir à l’extrême le tableau, beaucoup de personnes agissent de manière responsable et respectueuse de la dignité de l’autre.

Cependant, 244 ans après la guerre d’indépendance des Etats-Unis, 231 ans après la Révolution française qui furent des moments-clés dans l’émergence de la démocratie républicaine et de régimes s’en réclamant, force est de constater que nous sommes encore loin de pays composés que de citoyens, pire, que cet espoir d’émancipation qu’elle porte a été détourné vers des aspirations uniquement narcissiques, pour la satisfaction unique des égos et de plaisirs immédiats.

Ce qu’il faut bien comprendre ici, le point essentiel, c’est que la faillite de l’individu responsable – qui n’est pas encore totale et peut-être pas inéluctable – sera suivie très vite de celle de la démocratie républicaine.

La découverte de vaccins et de traitements pour soigner la covid19 est un espoir que nous voulons tous voir réaliser au plus vite pour sauver le plus de vies possibles et nous permettre de ne pas sombrer dans le chaos politique, économique, social, sociétal et international.

Mais, sur le fond, cela ne règlera pas la question existentielle de l’individu responsable.

Et une fois cette crise terminée, elle n’aura sans doute même pas été un élément de prise de conscience sur la nécessité d’un vivre ensemble humaniste comme nous l’enseigne malheureusement l’Histoire.

 

Alexandre Vatimbella