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mardi 11 juin 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Populisme, extrémisme et terrorisme auront-ils la peau de la démocratie?

Deux guerres mondiales n’ont pas réussi à tuer la démocratie, au contraire.
Après le deuxième conflit, en 1945, la démocratie semblait même l’avoir emporté aux poings sur les totalitarismes criminels avec l’écrasement du nazisme, du fascisme et de l’expansionnisme nationaliste, militariste et raciste japonais ainsi que de tous les régimes autoritaires et dictatoriaux qui étaient leurs complices (à l’exception notoire de l’Espagne) puis, en 1989, par K.O. définitif après la chute du totalitarisme communisme en Union soviétique et de ses régimes satellitaires ainsi que de l’ouverture qui semblait alors inexorable de la Chine aux droits de l’humain malgré l’épisode de la place Tienanmen qui ressemblait plus à un soubresaut d’un régime moribond (ce qui s’avéra, malheureusement, une analyse totalement erronée).
En outre, il semblait que cette même démocratie – grâce à l’aide des progrès scientifiques et sociétaux du XIX° siècle et de la première partie du XX° siècle qu’elle avait aidés à s’exprimer – avait eu la peau des fanatismes religieux et de leurs instincts de mort et de destruction au profit d’une vision humaniste de l’existence (et de la religion).
Or, voici qu’un mélange indigeste de populisme, d’extrémisme et de terrorisme soit capable, sinon d’y parvenir, d’être un challenge aussi puissant que furent le fascisme, le nazisme, le communisme et la réaction fondamentaliste confessionnelle pour les démocraties républicaines.
Comment cela est-il possible?
D’abord parce que le monde est tel qu’il est.
Dans nos démocraties contemporaines, portées par le souvenir, le «plus jamais ça», la reconstruction et la croissance, la modernité et le progrès, nous avons cru que la page de l’obscurantisme, du fanatisme, du totalitarisme et des massacres était définitivement tournée parce que nous avions vu de nos yeux vus, leurs agissements inhumains et que notre indignation, couplée avec le souvenir, serait un vaccin qui, nous en étions persuadés, immuniserait les peuples du monde entier.
Mais ce n’est malheureusement pas ce qui s’est passé depuis les soixante-quatorze ans de la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Bien sûr, tout n’était pas parfait le 9 mai 1945 lorsque l’Allemagne nazie signa sa reddition (et le 2 septembre, lorsque ce fut le tour du Japon).
Dans les années 1950, Staline était toujours au pouvoir en Union Soviétique, Mao avait pris le pouvoir en Chine, les dictatures militaires se succédaient en Amérique Latine et la décolonisation se passait dans des bains de sang et des violations des droits de l’humain constants sans oublier la persistance de massacres religieux.
Les génocides du Cambodge et du Rwanda, les camps de concentration et de rééducation des goulags communistes sino-russes, les assassinats et tortures de tous les totalitarismes, la faim et la pauvreté en Afrique et le sous-continent indien, tout cela est bien contemporain.
Tout comme, plus récemment, les attentats du 11 septembre 2001 d’Al Qaeda et les tueries de Daesh en Syrie et en Irak avec les exterminations ethnico-religieuses des chrétiens, des yézidis et des chiites.
Et cette liste est loin d’être exhaustive…
Cependant, alors même que la régression humaniste n’avait pas cessé, la progression humaniste se poursuivait.
Non, il ne s’agit pas d’une erreur typographique: dans ce monde, le paradoxe est une réalité avec laquelle nous devons composer.
Alors même que les pires événements se produisaient, nous étions capables de créer les Nations unies et l’Union européenne, de voter une Déclarations universelle des droits humains et de signer une Convention internationale des droits de l’enfant, d’offrir un avenir meilleur à beaucoup de gens, sans parler des découvertes scientifiques, médicales et technologiques extraordinaires qui nous faisaient miroiter des lendemains qui chantent et prouvaient le génie humain.
C’est ce qui permet aux humanistes de garder un petit espoir que leur lucidité leur enjoint chaque jour de mettre au rebus!
Oui, l’humain est capable du pire comme du meilleur.
Loin de moi de vouloir tout réduire à un manichéisme entre le bien et le mal mais la réalité est là.
Il s’agit plutôt comme je l’ai écrit, d’une confrontation entre deux énergies, celle de la révolte (du monde tel qu’il est, de son ajustice et du mystère angoissant de la vie) qui se transforme très souvent en violence destructrice et celle de l’amour (de soi, de l’autre et de la vie) qui ne cesse de vouloir rassembler, deux énergies qui s’opposent alors qu’elles devraient être complémentaires, que l’agressivité de la première devrait toujours être au service de la bienveillance de la seconde parce qu’elles sont nécessaires, toutes les deux, pour bâtir un monde meilleur.
Mais, pour cela, il faudrait que les humains soient capables de savoir où ils veulent vraiment aller et qu’ils y aillent ensemble, être dans l’action réfléchie et non la réaction intempestive.
Comme l’a conceptualisé le penseur américain William James, nous devons parvenir à ce que nos «vertus sauvages» soient sublimées pour des fins sociales plutôt que pour la destruction sociale.
Albert Camus disait, que «la révolte quand elle débouche sur la destruction est illogique» et que «la logique du révolté est de vouloir servir la justice pour ne pas ajouter à l'injustice de la condition».
Toujours est-il que tout est en train de dérailler à nouveau dans un mélange de peur, de renoncement, de haine, d’envie et d’hubris où tout est entremêlé dans ce qui ressemble à un maelström inextricable de raisons et de causes, qui est en train de donner à l’extrémisme, au populisme et au terrorisme une nouvelle possibilité d’abattre la démocratie libérale.
Quand je parle de ce lien chaotique c’est pour, par exemple, expliquer ce rapport  évident entre la montée du populisme extrémiste chez les peuples des pays occidentaux et la montée du fondamentalisme religieux extrémisme au Moyen Orient et de son avatar conquérant et destructeur, le terrorisme islamique.
Mais c’est aussi la peur de ces mêmes peuples occidentaux face à une possible déferlante migratoire (pas seulement venue de pays musulmans) qui nous est prédit depuis des années par les spécialistes des mouvements humains, que ce soit en Europe mais aussi aux Etats-Unis.
C’est aussi la peur d’un monde ouvert, qui a été grandement phagocyté par ce que l’on pourrait appeler des «profiteurs» (tant au niveau économique et commercial que géostratégique et culturel) alors même que celui-ci, avec les régulations et l’organisation nécessaires, a toujours permis d’améliorer les conditions d’existence que le contraire.
Pourtant, les choix que sont en train de faire ces peuples, gardiens actuels de la démocratie républicaine libérale, en regard de ces défis réels ne sont pas les bons parce qu’ils sont un repli sur soi et un abandon des valeurs et principes démocratiques qui ne sont, pour l’instant, qu’infimes ou graduels mais dont la dynamique est bien d’aller vers des régimes autoritaires qui se transformeront, comme l’Histoire nous l’apprend, inéluctablement en régimes despotiques.
Alors, il nous faut raison démocratique garder.
Non pas pour être les dindons de la farce de cette offensive, tant intérieure qu’extérieure, d’oppresseurs qui veulent nous asservir pour leurs propres intérêts mais pour agir en nous protégeant d’elles tout en renouvelant notre serment de défendre la démocratie républicaine.
Parce que l’alternative n’est pas dans plus ou moins de démocratie mais bien dans la liberté ou l’asservissement que ce soit à une puissance extérieure ou à des forces intérieures.
Et si nous n’avons pas le caractère et le courage de protéger notre liberté, alors oui, le populisme, l’extrémisme et le terrorisme auront la peau de la démocratie.
A nouveau nous devons nous demander si nous avons envie de défendre la démocratie et il serait bon que nous le fassions, cette fois-ci avant que nous ayons permis à ses ennemis d’être au pouvoir.



lundi 10 juin 2019

La paix ne fait la Une qu’après une guerre!

Soixante-quinze ans que les Alliés ont débarqué en Normandie pour éliminer la bête immonde du totalitarisme nazi responsable de tant d’ignominies avec ses complices fascistes et tous les collaborateurs dans les pays occupés dont la France.
Et, l’année prochaine, nous aurons, espérons-le, le soixante-quinzième anniversaire de la paix en Europe.
Trois quarts de siècle que nous vivons en paix en France, ce n’est pas rien.
C’est même énorme avec cette statistique éculée mais qu’il est toujours bon de rappeler: depuis que l’Humanité existe, il y a eu plus de jours de guerre que de paix.
Ne jamais oublier ce que vaut la paix.
Car, s’il est une réalité terrible c’est bien celle-ci: la paix ne fait la Une qu’après une guerre!
Et puis, petit à petit, les sirènes de l’hubris, de la désunion, de la conquête, de la supériorité et que sais-je encore rendent à nouveau fou les humains qui parent la guerre de toutes les beautés de l’aventure et de l’épopée, du courage et du dépassement de soi, de la preuve de la puissance de tel ou tel pays, etc.
Et l’on oublie ce que l’on doit à la paix, ce qu’elle nous apporte, quelle est sa douceur et sa force existentielle.
Et l’on oublie le soldat pourrissant vivant dans les tranchées de la Grande guerre avant d’aller s’empaler dans les barbelés et d’être fauché par les tirs de mitrailleuses ennemis.
Et l’on oublie le petit enfant mis en joue par des mitraillettes, jeté dans un wagon à bestiaux, asphyxié dans une chambre à gaz puis son corps brûlé dans un four crématoire, lui qui venait de naître à la vie et qui ne demandait qu’à la croquer avec l’aide de ces adultes qui venaient de tuer à jamais ses rêves.
Alors, en ce jour anniversaire souvenons-nous de toutes les horreurs de la guerre pour ne plus jamais les revivre.
Un souvenir qui s’efface lentement de la mémoire des peuples avec des écoliers, des collégiens et des lycéens à travers le monde qui ne savent même pas qu’il y a eu un génocide il y a soixante-quinze ans et dont le nom d’Hitler n’évoque plus rien de mauvais.
Continuons à effacer cette mémoire et soyons sûrs que dans quelques décennies, il sera célébré comme celui qui, c’est vrai, n’a pas été tout à fait correct mais a tout de même relevé son pays et construit les autoroutes allemandes!
Sans doute, qu’entre-temps, avec la montée des extrémismes et des populismes, la paix aura encore fait la Une…
Voire peut-être même pas.


lundi 3 juin 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Tienanmen ou la mort de la démocratie universelle

1989 est cette année cruciale pour notre troisième millénaire actuel où le monde a, tout à la fois, cru en la démocratie planétaire et vu ses espoirs en la liberté universelle se fourvoyer.
Parce que 1989, c’est à la fois la chute du mur de Berlin, le 9 novembre, mais aussi la terreur qui s’est abattue sur la place Tienanmen de Pékin quelques mois auparavant, dans la nuit du 3 au 4 juin, tuerie d’une barbarie inouïe dont nous fêtons le triste trentenaire aujourd’hui.

A l’espoir et à la joie de voir la libération des peuples à l’Est de l’Europe, nous avons également expérimenté, dans la même année, le désespoir et la douleur d’assister, impuissants aux massacres de ce peuple chinois qui voulaient seulement goûter à l’ivresse de cette liberté chérie qui soi-disant ne fait partie de «sa culture» (ce que tous les sondages sérieux, c'est-à-dire non-trafiqués par la pouvoir communiste, disent sans aucune contestation possible).

Mais même si la libération de l’Est de l’Europe de la chape de plomb soviétique continua – la chute du mur est postérieure aux chars de la honte –, c’est bien la révolution mondiale de la liberté qui s’est brisée ce 4 juin parce que les autocrates du PC chinois ont montré aux peuples encore sous le joug de dictatures que ce mouvement vers la liberté n’était pas inéluctable, ce qu’ont très bien compris très rapidement des régimes comme Cuba, l’Iran, la Syrie, le Vietnam, etc. et que comprennent très bien d’autres aujourd’hui comme la Russie, la Turquie, le Venezuela et toujours Cuba, l’Iran, la Syrie, le Vietnam…

Oui, Tienanmen n’est pas seulement l’écrasement du désir de la démocratie en Chine mais bien la pierre angulaire sur laquelle s’appuient tous les régimes autocratiques, dictatoriaux et totalitaires pour résister et empêcher leurs peuples de les chasser du pouvoir et d’installer des régimes démocratiques.

Sans parler des mouvements terroristes qui, eux aussi, ont trop bien retenus la «leçon Tienanmen» comme Daesh, par exemple, en expliquant, dans un bourrage de crâne aussi simpliste qu’efficace pour des personnalités fragiles et ignorantes, que la «démocratie occidentale» était le diable.

Or, non seulement ce n’est évidemment pas le cas mais, surtout, il ne s’agit pas d’un régime «occidental» mais d’une légitime demande de vivre libre par tout individu vivant sur notre terre.

La Chine est devenue aujourd’hui le modèle de la société totalitaire.

Intelligemment, le pouvoir «communiste» a su jouer profil bas depuis l’élection de Donald Trump, les provocations incessantes de personnages comme Poutine, Erdogan, Orban, Duterte, Assad ou encore Salvini (liste non exhaustive!), pour avancer son «agenda».

Comme Narendra Modi en Inde qui a met en place une société dominée par un nationalisme ethnique et religieux à l’ombre des frasques des mouvements populistes extrémistes, Xi Jinping travaille à l’élaboration d’une société policière de la surveillance des Chinois grâce aux instruments traditionnels de toute dictature mais aussi de toutes les avancées technologiques – sans parler de la présence d’une terrible et gigantesque administration–, qui permettent un fichage de toute une population, le visionnage de tous ses actes, physiques et intellectuels, dans la rue mais aussi chez chaque citoyen grâce à des caméras et des micros, avec un système abjecte de punition et de récompense.

Les «mauvais» citoyens, ceux qui, par exemple, ne traversent pas sur les passages piétons et dont on publie la photo sur des écrans géants de leurs quartiers avec leurs noms et leurs adresses, ne peuvent prétendre à un emploi ou un appartement, les «bons», ceux qui par exemple, dénoncent leurs «mauvais» voisins, peuvent plus facilement voyager et obtenir un crédit.

Sans même parler des prisonniers politiques qui croupissent dans des camps de «rééducation» qui n’ont rien à envier à ceux de la période maoïste (dont monsieur Xi est un admirateur) ou assignés à résidence et victimes sans cesse de brimades.

Oui, c’est cela la Chine du XXI° siècle.

Oui, la victoire du totalitarisme sur la liberté, il y a trente ans, place Tienanmen, voulue par Deng Xiaoping, a engendré une société de la surveillance, de la traque, de la délation et de la mise au pas systématiques, Cette société si redoutée au XX° siècle est en train de se mettre en place grâce aussi au silence assourdissant des dirigeants des  démocraties.

Et l’on se dit que si la révolte pacifique de Tienanmen avait réussie…

Mais on se dit aussi que la Chine, qui ne fait plus mystère de dominer le monde en devenant la première puissance mondiale, a vocation à exporter son «modèle» de société (qui intéresse déjà bien des pays en Asie et en Afrique).

C’est pourquoi, trente ans après, tout démocrate qui se respecte, doit être solidaire de tous les dissidents chinois actuels ainsi que tout aussi volontaire que les manifestants pacifiques de la place Tienanmen, afin d’empêcher les maîtres de Pékin de parvenir à leurs fins.

Oui, ce monde est en train de prendre un virage de plus en plus dangereux où les pires prédictions d’Orwell ou de Huxley ne sont plus des fantasmes mais souvent des réalités présentes ou en devenir.

Peut être que je vois un peu trop le verre à moitié vide.

Alors, vivement le 9 novembre pour célébrer la chute du mur de Berlin!

Tout en pensant à cette jeunesse écrasée sur le macadam face à la cité interdite, lieu d’un pouvoir qui massacra tant de gens aux cours de son histoire…