Comme le titre le New York Times, «Donald Trump et Hillary
Clinton ont gagné facilement à New York», ce qui devrait les mener sans
problème vers l’élection présidentielle.
Les deux gros succès de Clinton (près de 58% des voix et
plus de 63% pour la ville de New York) et de Trump (aux alentours de 60% des
voix) aux primaires de cet Etat du Nord-est font d’eux, en effet, les
grandissimes favoris pour représenter, l’une le Parti démocrate, l’autre le
Parti républicain le 8 novembre prochain.
Même s’ils étaient déjà largement en tête de la course dans
leurs partis respectifs, les deux Newyorkais (Trump est né dans la ville et
Clinton en a été la sénatrice) ont vu leurs positions confortées, non seulement
arithmétiquement mais politiquement.
Il n’y a aujourd’hui quasiment plus aucune chance à moins
d’un séisme politique majeur, que Bernie Sanders puisse obtenir le nombre de
délégués nécessaires à la Convention démocrate de Philadelphie pour être le
représentant du parti à l’élection générale.
Du côte républicain, on savait depuis longtemps que ce
serait très dur pour Ted Cruz de remonter son handicap et, d’ailleurs, les
dirigeants du parti, la plupart opposés fermement à Trump, espèrent simplement
que ce dernier ne puisse avoir le nombre de délégués requis pour être élu au
premier tour à la Convention de Cleveland.
Ce qui pourrait permettre, lors des tours de scrutin
suivants de voir se former une coalition majoritaire contre le natif du Queens
pour lui barrer la route dans ce que l’on appelle une «contested convention» (que
l’on peut traduire par convention «disputée» où aucun des prétendants ne pouvant
obtenir la victoire dès le premier tour à la majorité ce qui permet aux
délégués des différents candidats de voter pour qui ils veulent par la suite).
Mais si Clinton et Trump sont deux Newyorkais, ils sont les
deux pendants de la personnalité complexe de la capitale économique et
financière des Etats-Unis et de la mondialisation, cette métropole où le monde
se donne rendez-vous depuis la fin du XIX° siècle.
Car s’ils sont les représentants assumés des «valeurs
newyorkaises», honnies par l’extrême-droite – Ted Cruz en ayant fait un
repoussoir pour sa campagne – pour qui la ville est celle du péché, «Sin city»,
au même titre que Las Vegas, ils ne défendent pourtant pas exactement les
mêmes…
Cette différence entre une ville ouverte et tolérante
défendue par Clinton et une ville à la dureté légendaire où fait constamment
rage une compétition entre tous défendue par Trump sera, cette année, au cœur
de la bataille pour la Maison blanche.
Ces deux New-York existent et s’entrechoquent constamment.
La ville de Clinton est aujourd’hui majoritaire comme l’est
le Parti démocrate qui écrase le Parti républicain dans la Grosse pomme.
Cette alchimie improbable et, évidemment, très imparfaite,
mais qui marche montre au reste du monde ainsi et surtout qu’au reste du pays
comment l’on peut bâtir une Amérique du XXI° siècle, diverse et capable de
relever tous les défis en s’unissant au-delà des différences grâce au fait que
les Etats-Unis sont une idée, voire un idéal, avant d’être un pays.
La ville de Trump, celle du «struggle for life» (combat pour
la vie) et du chacun pour soi, même si elle est minoritaire, est également dans
l’ADN de New York depuis toujours avec ces vieilles familles assagies et ces
nouveaux riches suffisants, ces entrepreneurs aux dents longues et ces
financiers sans morale.
C’est le New York des Morgan, Vanderbilt, Rockefeller,
Carnegie et bien d’autres dont… Trump.
Mais, comme pour ces deux facettes de New York, les lignes
politiques de Clinton et de Trump offrent un mélange newyorkais original.
Ainsi, Hillary Clinton défend des valeurs «liberals» qui
sont aussi celles d’une partie des classes supérieures de la ville qui vivent
dans l’Upper East Side et Donald Trump défend une vision réactionnaire et
protectionniste de l’Amérique que l’on peut trouver notamment dans ses classes
moyennes inférieures comme, par exemple, dans le «borough» de Staten Island.
Mais Clinton représente aussi le centrisme d’une ville qui,
si elle a élu le démocrate liberal Bill de Blasio comme maire en 2014, a
souvent également choisi des démocrates et des républicains modérés comme
Fiorelle LaGuardia ou Michael Bloomberg, se voulant toujours progressiste mais
pas extrémiste.
Et, paradoxe avec ce que nous venons de voir, pendant que
Trump défend bec et ongles les avantages et les privilèges des milliardaires de
l’Upper East Side, Clinton est la préférée des communautés noires et
hispaniques, en particulier dans les coins les plus pauvres du Bronx, de
Harlem, de Brooklyn.
Quant à la tradition politique newyorkaise, elle se divise
entre celle des personnalités fortes et aux grandes qualités dans la lignée des
Theodore Roosevelt, seul président des Etats-Unis à être né à New York, Franklin
Roosevelt ou Grover Cleveland et à laquelle se rattache Hillary Clinton, et celle
des personnalités populistes et démagogiques, à la réputation parfois
sulfureuse, comme le tristement célèbre William «boss» Tweed et à laquelle
Donald Trump serait proche.
Quoi qu’il en soit, si duel Clinton-Trump il y a, il sera la
revanche d’une mégalopole qui fascine toute l’Amérique mais qui a souvent été
marginalisée pour sa personnalité trop sulfureuse.
Alexandre Vatimbella
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