Les récentes victoires du socialiste populiste Sanders dans plusieurs Etats (petits et moyens), de l’Utah à l’Alaska en passant par l’Idaho, Washington et Hawaï, démontrent que la route pour la nomination de la centriste Hillary Clinton comme candidate du Parti démocrate n’est pas encore totalement sécurisée.
Bien entendu, il faudrait pour que Sanders l’emporte, un retournement de situation encore improbable aujourd’hui avec des victoires nettes dans des grands Etats qui ne lui sont pas favorables a priori (New York, Californie, Pennsylvanie, Maryland, etc.) ainsi que le changement du soutien de la plupart des «grand délégués» du parti dont l’énorme majorité a pris position en faveur de Clinton et que Sanders n’a pas cessé de stigmatiser jusqu’à maintenant où il tente de les séduire...
Mais dans une année électorale où les deux partis sont traversés en même temps – et c’est une première – par une forte vague populiste, tout peut encore survenir.
Et un match entre les deux populistes Sanders et Trump serait une catastrophe pour la démocratie américaine, tout autant d’ailleurs qu’un match entre Sanders, le socialiste, et Cruz, l’idéologue d’extrême-droite.
Il convient de bien écouter les discours de Sanders pour comprendre qu’il rejette en bloc la vision politique centriste de Barack Obama et d’Hillary Clinton qui, dans la tradition américaine mais aussi de la démocratie républicaine libérale, fait place au pluralisme des intérêts afin de trouver les consensus et les compromis gagnants-gagnants.
Pour lui, le peuple, entité unique, a des intérêts complètement opposés avec des groupes comme «Wall Street», les «billionaires», le «big business», etc., qu’il agite constamment comme des épouvantails.
Avec eux, pas de compromis et de consensus possibles mais une lutte politique de tous les instants pour supprimer ces castes de nantis, tout au moins leur ôter leurs privilèges exorbitants, même s’ils viennent de leur mérite et de leur labeur.
Cette vision est celle du socialisme européen et il n’est donc pas faux de prétendre que Bernie Sanders est un socialiste et non un social-démocrate très modéré même s’il avance masqué au cours de cette primaire pour ratisser le plus large possible.
Un de ses buts, d’ailleurs, qu’il a clairement exprimé, est de changer le Parti démocrate pour en faire un parti de gauche et non plus un parti regroupant majoritairement des gens du centre et du centre-gauche avec une aile très minoritaire de militants de gauche voire d’extrême-gauche.
En cela, il veut parvenir à un affrontement idéologique gauche-droite à l’européenne en ayant comme modèle la transformation effectuée par les conservateurs et les radicaux de droite qui ont réussi à chasser les centristes du Parti républicain et à l’orienter très à droite.
Ainsi, c’est bien un combat idéologique qui se mène au Parti démocrate comme au Parti républicain.
Et comme chez les républicains c’est un populiste démagogue qui prétend faire la «révolution politique» et promet des lendemains qui chantent en s’en prenant aux ennemis du peuple, qui est en train d’essayer de détruire l’identité des démocrates.
Mais il est également, comme l’est Ted Cruz chez les républicains, un idéologue qui n’est prêt à aucun compromis avec sa doxa (c’est pourquoi il s’est prononcé contre le sauvetage de l’industrie automobile en 2009 parce qu’en même temps la loi permettait le sauvetage du système financier capitaliste).
Bernie Sanders n’est pas dans la provocation systématique et n’a pas l’insulte constamment aux lèvres comme Donald Trump.
En revanche, il n’est pas du tout évident qu’il soit moins dangereux que lui.
Alexandre Vatimbella
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