Lorsque Marco Rubio affirme qu’avec Trump le parti
républicain n’est plus celui de Lincoln et de Reagan, il a tort.
Cela fait longtemps que les républicains n’ont plus rien à
voir avec Abraham Lincoln, une des deux grandes figures centristes du parti
avec Theodore Roosevelt.
C’est tellement vrai que Barack Obama a pu s’approprier les
deux hommes et se revendiquer de leur filiation sans que les républicains
n’esquissent la moindre protestation ou controverse à ce propos.
Ils auraient alors certainement été accusés d’être de gauche
par une grande partie de leur électorat!
Aujourd’hui, le Parti républicain est le digne fils naturel
de celui mis en place dans les années 1980 par Ronald Reagan, ancien admirateur
de l’extrémiste de droite Barry Goldwater, et qui trouva son positionnement
radical dans les années 1990 en s’opposant de toutes ses forces à Bill Clinton,
essayant même de le déchoir de sa fonction de président du pays, grâce à des
hommes comme le speaker de la Chambre des représentants, Newt Gingrich.
L’idée était alors de mettre en place un conservatisme
rétrograde afin d’attirer l’électorat de la soi-disant majorité silencieuse
identifiée à la fin des années 1960 par Richard Nixon, celle qui s’opposait
fermement à la modernité ainsi qu’aux programmes sociaux et aux droits civiques
qui reconnaissaient enfin concrètement les droits égaux de la communauté noire
qui avaient été la conséquence de la victoire du Nord sur le Sud lors de la
Guerre de sécession (appelée fort justement Guerre civile aux Etats-Unis),
victoire avant tout… du républicain Abraham Lincoln!
Il faut se rappeler avec quelle hargne les républicains d’alors
(et dont faisait partie John Kasich présenté aujourd’hui comme le plus modéré
des candidats à la primaire républicaine) ont attaqué Bill Clinton, essayant
comme on l’a dit de le destituer mais aussi en s’opposant systématiquement à
toutes ses initiatives quand ils le pouvaient et l’insultant allègrement.
C’est de cette époque que date cette idée largement répandue
dans l’électorat républicain que tout élu démocrate est illégitime, ce qui a
permis des attaques d’une violence inouïe contre les candidats à la
présidentielle comme Al Gore ou John Kerry.
Attaques qui sont devenues encore plus violentes vis-à-vis
de Barack Obama depuis 2007 mais aussi, bien entendu, Hillary Clinton.
Quand on voit Donald Trump insulter les autres candidats à
la primaire républicaine ainsi que tous les républicains qui ne sont pas d’accord
avec lui, sans parler de tous les démocrates sans exception et particulièrement
Barack Obama (dont il conteste toujours la légitimité parce que selon lui il n’est
pas Américain) ainsi qu’Hillary Clinton (dont il estime qu’elle devrait être en
prison), il ne fait que reprendre les pratiques et les discours haineux et
primaires des républicains depuis près de trois décennies.
De ce point de vue, il n’est que la résultante de toutes les
dérives des républicains.
Le problème, pour ces derniers, n’est pas qu’il insulte, qu’il
mente et qu’il soit un personnage grossier.
S’il était de cet acabit mais dirigeait ses diatribes contre
les démocrates uniquement, il serait célébrer comme un «vrai» républicain comme
l’est l’extrémiste droitier Ted Cruz qui agit à peu près comme lui.
Mais voilà qu’il s’en prend avec la même violence aux
républicains ainsi qu’aux populations dont ils ont besoin pour pouvoir emporter
la présidentielle, en particulier la population hispanique.
C’est là qu’il devient l’homme à abattre par l’establishment
républicain comme on l’’a vu avec le discours du candidat républicain à la
présidentielle de 2012, Mitt Romney, qui, le 3 mars dans l’Utah, a attaqué Trump
tout azimut, en déclarant:
«Voici ce que je sais: Donald Trump est un imposteur, une
fraude. Ses promesses sont aussi sans valeur qu'un diplôme de l'Université Trump
(ndlr: fondée par Trump et qui est attaquée par certains anciens étudiants qui
estiment avoir été escroqués). Il prend les Américains pour des pigeons. Il veut
un tour gratuit pour la Maison Blanche mais c’est un fauteur de troubles (…) La
malhonnêteté est la marque de fabrique de Donald Trump (…) (ainsi que)
L'intimidation, l'avidité, la posture, la misogynie et la théâtralité absurde sortie
d’une école primaire.»
Des propos qui, rappelons-le sont à l’encontre d’un homme du
même parti et qui est largement en tête de sa primaire qu’il a toutes les
chances de pouvoir remporter!
Bien évidemment, Donald Trump a répondu avec agressivité
lors du débat entre prétendants républicains le soir même à Detroit devant les
caméras de Fox news, tout en continuant les insultes et les mensonges.
Mais il n’est plus le seul.
Les deux candidats d’origines cubaines, Marco Rubio et Ted
Cruz, qui veulent incarner la résistance et le recours face à Trump, ont
rivalisé dans les attaques personnelles, Rubio sous-entendant que Trump avait
un petit pénis parce qu’il avait des petites mains et Trump lui répondant qu’il
n’avait pas de problèmes de ce côté-là…
Attaques qui ne leur posent pas autant de problèmes éthiques
que cela puisqu’ils agissent ainsi depuis des années face aux démocrates en
tant qu’hommes issus du mouvement du Tea party qui comparait Obama à Hilter,
Staline et le joker de Batman avec les qualificatifs qui allaient de pair.
Seul John Kasich a eu un comportement digne d’un candidat à
la présidence de la plus grande puissance mondiale mais il a très peu de
chances de pouvoir l’emporter.
Dès lors, Donald Trump n’est sans doute par un vrai
conservateur mais est certainement le produit des conservateurs qui peuplent
désormais le Parti républicain qui, s’ils ne sont pas tous des populistes
démagogues comme l’est le promoteur immobilier newyorkais, n’ont pas hésité à
puiser allègrement dans ce registre au cours des dernières décennies – avec le
soutien indéfectible de la chaîne de télévision Fox news qui, quand elle ne
relaye pas complaisamment les attaques les créent –, pour s’attacher toute
cette partie de l’électorat réactionnaire et intolérant, dont une grande partie
pense que l’esclavage n’était pas un crime et, même pour certains, qu’il
faudrait y revenir...
Alors, avant de redevenir le parti d’Abraham Lincoln, le
Parti républicain a un long chemin à faire, monsieur Rubio.
Et, pour une fois, ce n’est pas de la faute de Donald Trump.
Alexandre Vatimbella
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