La courte défaite d’Hillary Clinton – mais emblématique de ses difficultés avec les ouvriers et les employés blancs – dans la primaire du Michigan face à Bernie Sanders qui partait avec 30 points de retard il y a quelques semaines pose à nouveau la question de savoir si la couverture médiatique de la candidate démocrate est honnête.
Ses électeurs doivent avoir en effet les oreilles qui sifflent à chaque fois qu’ils écoutent la radio et les yeux qui brûlent quand ils regardent la télévision, consultent internet ou lisent la presse.
Et ce n’est pas qu’une impression partisane.
Il est bien difficile en effet de trouver des journalistes qui disent du bien de leur chère Hillary ou, tout simplement, qui n’en disent pas du mal!
On le sait, Clinton est détestée par la presse depuis son passage à la Maison blanche, lorsqu’elle était la première dame entre 1992 et 2000.
Cela s’est confirmé en 2007-2008 où les médias ont joué un rôle de premier plan dans sa défaite face à Barack Obama lors des primaires démocrates alors qu’elle était la grandissime favorite dans les sondages.
Bien évidemment, elle n’est pas exempte de reproches dans la conduite de ses campagnes, dans ses relations avec les journalistes et dans ses difficultés d’image avec le grand public.
Néanmoins, elle est l’objet depuis plus de vingt ans de constantes insinuations, d’attaques sans fondement et d’enquêtes uniquement à charge de la part du monde médiatique où on a souvent l’impression qu’une sorte de concours oppose les journalistes sur celui ou celle qui la fera enfin tomber définitivement.
Et la campagne des primaires démocrates met cette attitude en lumière une nouvelle fois sans conteste.
Ainsi, si la plupart des journalistes politiques américains demeurent des anti-clintoniens purs et durs, les voilà qui sont devenus soudainement des socialistes, présentant Bernie Sanders de manière outrageusement favorable afin de la présenter en alternative crédible à Hillary Clinton.
Après avoir été Obamistes en 2008 sans même connaître le futur président des Etats-Unis quelques mois auparavant, les voilà tout aussi Sandériens sans plus de logique que d’être contre Clinton.
Le plus problématique déontologiquement parlant est que ses opposants ne reçoivent pas le même traitement.
Cet «Hillary bashing» fort connu est tellement caricatural que des hommes comme Donald Trump ou Ted Cruz obtiennent des couvertures médiatiques bien plus positives que l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama.
Et ce malgré leurs mensonges et leurs casseroles multiples (comme les faillites à répétition de Trump) qui sont certes évoqués mais sans l’outrance qui frappe Clinton et ses «affaires» qui sont souvent d’un degré infime par rapport aux leurs comme, par exemple, le problème des e-mails lorsqu’elle était au gouvernement ou ses discours auprès des banques.
Un des cas les plus emblématiques du comportement malhonnête des médias américains à l’encontre d’Hillary Clinton est l’utilisation du comportement de Bill Clinton vis-à-vis de la gente féminine qui lui est directement reproché comme si elle avait été sa complice…
C’est en premier lieu l’infidélité de Bill Clinton et, évidemment, l’affaire Monica Lewinsky, cette stagiaire de la Maison blanche avec qui il avait eu des relations sexuelles et qui avait failli lui coûter sa présidence (non pas pour ces frasques mais parce qu’il avait alors menti au peuple américain sur cette relation).
Ainsi, de victime, elle est devenue accusée, soi-disant selon certains journalistes ou certains de ses adversaires complaisamment interviewés, parce qu’elle n’aurait pas assez condamné le comportement de son mari!
Les attaques très en-dessous de la ceinture à ce propos sont venues de Donald Trump, l’homme qui insulte les femmes en direct à la télévision, qui a été marié trois fois et dont une de ses épouses l’a accusé de viol avant de se rétracter.
Alors qu’elles auraient du être mises en comparaison de ses comportements pour le moins machistes, elles ont été reprises abondamment par les journalistes, toujours friands de tout ce qui peut abaisser la centriste.
Ce fut par exemple, le cas du chef du service politique de NBC, Chuck Todd, qui s’est fait une spécialité de chercher tout ce qui peut compromettre Hillary Clinton, et qui monta en épingle cette histoire en affirmant sans aucune preuve que cette affaire faisait trembler toute l’équipe de la candidate à la candidature démocrate, sous-entendu cela pourrait détruire sa candidature.
On pourrait en rire s’il ne s’agissait pas de professionnels des médias et du choix du prochain président de la première puissance mondiale.
Que Donald Trump tombe dans ces attaques nauséabondes, quoi de plus normal, c’est ce qu’il fait depuis qu’il a annoncé sa candidature.
Que les médias commencent à le suivre tout en le critiquant – comportement bien connu de ceux qui propagent des ragots tout en s’en désolidarisant pour se réclamer irresponsable de leurs dénonciations! –, voilà bien qui prouve la recherche constante de sensationnalisme d’une partie des journalistes et, d’une certaine manière, une victoire pour Trump et sa stratégie de salir tout le monde, de ses concurrents républicains au camp démocrate.
Le populisme et la démagogie, ça fait vendre depuis toujours avec un public qui se bouche le nez mais qui regarde et écoute avec délectation.
A noter que la presse française suit l’exemple des médias américains du «tout sauf Hillary».
Même si cela se passe à plusieurs milliers de kilomètres, la présidentielle américaine passionne la France et permet à ses médias de jouer la présidentielle de 2017 avant l’heure.
A gauche, de Libération au Monde en passant par Le Nouvel Obs, on défend Sanders, le socialiste.
A droite, du Figaro à Valeurs actuelles, déstabilisés par Trump, les médias commencent à lui trouver des qualités même s’ils sont encore hésitants et qu’ils auraient bien vu Rubio qui devient de moins en moins une alternative sérieuse au promoteur newyorkais après ses nouvelles défaites du deuxième «super Tuesday» (reste Ted Cruz, l’homme de l’extrême-droite).
Mais, que ce soit la presse de gauche ou celle de droite, il y a un ennemi à abattre, la centriste Hillary Clinton.
Elle est de droite pour la presse de gauche et de gauche, voire d’«extrême-gauche» (sic) selon un récent article du Figaro, pour la presse de droite.
Pour conclure, ce n’est pas tant de parler des problèmes d’Hillary Clinton, réels ou supposés, qui est répréhensible, que d’en parler à tout bout de champ et de le faire uniquement à charge.
Mais il est vrai qu’en se présentant en centriste, la candidate Clinton attise les haines – et ici ce n’est pas un mot trop fort – aussi bien à droite qu’à gauche.
Une situation que connaissent souvent les candidats centristes à travers le monde.
Alexandre Vatimbella
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