Réunir les hommes et les femmes du Vieux continent pour
qu’ils construisent le présent et l’avenir ensemble dans la paix et le partage
au lieu de s’entretuer et de se détruire mutuellement demeure un idéal mais
aussi une nécessité pour que les Européens demeurent libres et puissent
bénéficier tous du progrès face aux défis de toute sorte auxquels ils doivent
et devront faire face.
Que les peuples européens comprennent de moins en moins ce
qu’ils ont a gagné à vivre ensemble et à se rassembler est une bien triste
constatation.
Qu’ils aient oublié les leçons de l’Histoire, qu’ils
tournent le dos à la réalité du monde, qu’ils pensent être plus forts chacun de
leur côté, en écoutant les populistes démagogiques de tous bords leur vanter le
divorce, ils paieront le prix fort de leur erreur si celui-ci survient.
Pour autant, si le mot union a un sens, ce ne peut être à
n’importe quel prix.
Or, c’est bien à quoi l’on assiste aujourd’hui dans cette
Union européenne de plus en plus à la carte et dont le Royaume Uni, comme à son
habitude, veut en profiter au maximum en s’affranchissant des règles communes
et de l’indispensable solidarité tout en agitant l’épouvantail de son départ,
ce fameux Brexit qui pourrait faire l’objet d’un référendum fin juin.
Mais il n’est pas le seul avec une Pologne qui vire au
nationalisme le plus primaire, tout comme la Hongrie proche du fascisme,
pourtant deux pays qui ont payé le prix fort d’une Europe de la haine et de la
confrontation par le passé.
Même dans les pays où l’idée européenne était un moteur et
un espoir d’un monde meilleur, le scepticisme envers l’UE progresse, que ce
soit en France, en Allemagne, en Italie, pays pourtant signataires du Traite de
Rome, fondateur de la Communauté économique européenne.
Si l’Europe doit continuer à exister, il faut qu’elle ait un
projet et une volonté, deux choses qui n’existent plus.
Aujourd’hui, la seule raison d’agir est de sauver les
meubles dans un immobilisme qui n’est qu’une régression où les aspects les plus
négatifs de l’union ressortent et sont, évidemment, mis en avant par ses
adversaires.
Bien entendu, l’idéal serait d’aller vers ce fédéralisme
européen que promeut depuis toujours le Centre dans son écrasante majorité.
Mais le réel nous montre que le chemin, s’il existe encore,
sera très long.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’une Europe auberge
espagnole, où l’on ne vient que pour profiter des bienfaits tout en refusant de
mettre sa part à l’ouvrage fera imploser tôt ou tard l’Union européenne.
Rappelons que les Britanniques avaient essayé de torpiller
la construction européenne avec leur zone de libre-échange avant de frapper à
la porte pour éviter de devenir une nation secondaire en proie à de graves
difficultés.
Rappelons que l’on a ouvert n’importe comment la porte de
l’Europe lors de la chute du Rideau de fer, tétanisés que nous étions d’une
possible guerre des nationalismes ce qui fait que nous avons aujourd’hui des
pays qui n’ont jamais eu envie de jouer le jeu de l’union comme la Hongrie, la
Slovaquie ou la Pologne, par exemple.
Peut-être que le projet européen doit être refondé avec ceux
qui veulent vraiment qu’il aille vers une intégration de plus en plus forte,
seul moyen de faire face au monde de demain.
Pour cela, pas besoin de détruire l’Union, elle peut
fonctionner comme une zone de libre-échange et de paix, ce qui n’est déjà pas
si mal, surtout ce qu’elle est devenue depuis la disparition des régimes
communistes des pays de l’Est.
D’autant que l’Union européenne n’est pas les Etats-Unis
d’Amérique où la question de la séparation a été réglée définitivement lors de
la Guerre de sécession de manière négative (même si des illuminés tentent de
faire croire le contraire).
Ainsi, on peut quitter le navire européen et ceux qui ne
veulent plus en faire partie ne doivent pas être stigmatisés, c’est leur droit.
Mais il faut que les Européens convaincus mettent en place
une sorte de noyau dur autour de la France et de l’Allemagne afin de bâtir une
nouvelle architecture, reprenant les idéaux des Pères fondateurs de l’Europe,
ceux de l’après-guerre avec les Monnet, Schuman, De Gasperi, Spaak, Adenauer,
Beyen et autres, mais aussi tous ceux qui de Victor Hugo à Aristide Briand
avaient compris que l’Europe devait être un seul pays pour réellement achever
le projet de sa civilisation.
Oui, il nous faut ces Etats-Unis d’Europe dont Victor Hugo
voulaient qu’ils préfigurent l’union de toute l’humanité.
Il faut que tous les pro-européens se retroussent les
manches pour cela.
En attendant, il faut arrêter de brader l’Europe et permettre
à ceux qui veulent s’en aller de partir, à leurs risques et périls, afin de
(re)construire une union qui sera d’autant plus forte qu’elle bénéficiera de
l’expérience de celle d’aujourd’hui.
Si tel n’est pas le cas, prédisons que, à terme plus ou
moins éloigné, les peuples européens en reviendront à leurs nationalismes
belliqueux qui ont produit tant de tragédies au XIX° et XX° siècles.
Mais il faut qu’ils sachent que cette dérive n’est pas
inéluctable et que c’est de leur responsabilité que le pire ne remporte pas la
partie.
Alexandre Vatimbella