Le «clintonisme» est le nom donné à la pratique du pouvoir de
Bill Clinton lors de sa présidence de 1993 à 2000 et dans laquelle sa femme,
Hillary Clinton eu une grande influence, pratique que l’on qualifie
généralement de centriste.
Bill Clinton, dont il faut rappeler qu’il fut l’inventeur de
la Troisième voie (un centrisme de gauche pragmatique repris par Tony Blair en
Grande Bretagne) et de la triangulation (qui consiste à prendre le meilleur des
propositions de chaque camp sur un sujet et de les transcender en une synthèse
dynamique).
Le clintonisme professait, entre autres, la fin du «Big government»,
l’équilibre budgétaire (qui fut réalisé avec même un surplus record en 1998 et
1999), une réduction des dépenses d’aides sociales (mais pas de certaines
protections sociales, au contraire), la mise en place d’une assurance santé
(qui ne fut réalisée que par Barack Obama en 2010), la limitation des ventes
d’armes, l’augmentation de la sécurité des personnes, l’égalité hommes-femmes
mais aussi l’égalité reconnue aux homosexuels notamment dans l’armée.
Toujours est-il qu’Hillary Clinton, en étant candidate à la
primaire démocrate pour la présidentielle de 2016, présente la version
renouvelée du clintonisme, le «nouveau clintonisme» comme l’on appelé certains
commentateurs, dans lequel ses opposants y voient un net infléchissement à
gauche et donc une sorte de trahison du centrisme de son mari.
Bien entendu, cette critique vient d’abord du camp
républicain dont il faut rappeler l’accusation récurrente de gauchisation de
tous les centristes (qu’ils soient démocrates ou républicains, de Theodore
Roosevelt à Obama en passant par les deux Clinton) qui a permis aux idéologues
radicaux du parti de noyer la forte droitisation de celui-ci depuis le début
des années 2000 et qui a réussi à tromper de nombreux médias mais dont les
politologues sérieux (toutes tendances confondues) ont dénoncé la supercherie.
Mais il est vrai qu’en ces temps où les inégalités sociales
se sont creusées, où les milliardaires sont de plus en plus nombreux et de plus
en plus riches, où les attaques contre les politiques sociales et les avancées
sociétales sont d’une grande violence alors même que des décisions
emblématiques comme la reconnaissance du mariage pour les homosexuels font
évoluer la société américaine vers plus de libéralisme face aux crispations des
conservateurs, le clintonisme s’est adapté.
Ainsi, Hillary Clinton propose, entre autres, une hausse de
salaire pour la classe moyenne, des aides massives pour éviter que les
étudiants s’endettent à vie pour obtenir leur diplôme universitaire, une
extension de l’assurance santé et une limitation des fortes hausses de médicaments
constatées récemment, une égalité homme-femme pour les salaires, etc.
Il faut néanmoins ajouter immédiatement que son corpus est
tout sauf doctrinaire ou dogmatique et que ces mesures font bien partie d’une
politique centriste.
D’autant qu’elle ne remet nullement en cause, à l’inverse de
son adversaire des primaires démocrates, le socialiste Bernie Sanders,
l’économie de marché libérale, l’égalité des chances comprise par l’égalité des
opportunités, l’enrichissement par le travail.
L’idée d’Hillary Clinton, théorisée par Larry Summers,
l’ancien secrétaire au Trésor de Barack Obama et très proche de la candidate
démocrate, et du britannique Ed Balls, est que les démocraties modernes «ont
besoin de nouvelles institutions sociales et politiques pour faire en sorte que
le capitalisme du XXI° siècle marche pour la majorité et non pour une petite
minorité».
Sans parler de sa vision en politique étrangère beaucoup
plus «faucon» que celle de Barack Obama.
En réalité, le nouveau clintonsime comme l’était l’ancien,
est avant tout un pragmatisme.
Dans ce sens, il fait face à la nouvelle réalité avec le
creusement des inégalités, la paupérisation d’une partie des classes sociales
les plus défavorisées, l’appauvrissement des classes moyennes et
l’enrichissement des 1%.
De ce point de vue, comme tout centrisme, il recherche le
juste équilibre ce qui sigifie que lorsque l’équilibre est rompu, comme c’est
le cas en matière économique et sociale aux Etats-Unis, il doit le reconstruire
en allant dans le sens inverse
De ce fait, le «nouveau clintonisme» ne tourne pas le dos
aux valeurs de la Troisième voie, il ne remet pas en cause le système
économique, l’opportunity et ne diabolise pas ceux qui réussissent comme le
fait Bernie Sanders avec sa chasse aux milliardaires.
De même, en appuyant des mesures sociales pour faire
renaître le rêve américain version démocrate (égalité réelle des chances), par
la protection de la santé et l’accès à une bonne éducation, Hillary Clinton
demeure fidèle aux buts du clintonisme originel, n’en déplaise à ses
détracteurs de droite.
Bien sûr, il faudra scruter ses nouvelles propositions qui
pourraient être plus à gauche que prévues si Bernie Sanders continue de monter
dans les sondages et sous la pression de l’aile «libéral» du Parti démocrate dont
l’égérie est la sénatrice Elisabeth Warren.
Reste que si Hillary Clinton est élue à la Maison blanche,
son clintonisme sera certainement un centrisme.
Alexandre Vatimbella
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