Alors que Manuel Valls veut conduire une politique
social-libérale en France, ce courant «centriste» de la gauche né dans les
années 1990 sous la dénomination «Troisième voie» et mis en œuvre, entre
autres, par Bill Clinton aux Etats-Unis, Tony Blair en Grande Bretagne ou Gerhard
Schröder en Allemagne, est désormais attaqué de front par les tenants d’une
gauche radicale, mais pas seulement, qui met son avenir en péril.
Car, dans le même temps, les militants ainsi que les
sympathisants des partis de gauche semblent de plus en plus séduits par les discours
qui remettent à la mode les vielles antiennes de l’affrontement des classes et
de la destruction du capitalisme avec le retour de la stigmatisation des riches
et le vilipendage des banques ainsi que de cette fameuse «finance
internationale», sorte de secte secrète qui gouvernerait le monde à son seul
profit.
Sans oublier la diabolisation de la mondialisation et une
attaque en règle comme le libéralisme (présenté uniquement en tant
qu’«ultralibéralisme») dans sa version politique sur lequel nos démocraties
républicaines sont établies.
On voit même des tentatives pathétiques de réhabilitation de
l’ère communiste et de ses «glorieux» leaders qu’ont été Joseph Staline et Mao
Zedong.
Cette séduction peut même toucher une partie importante de
l’électorat où le thème de l’égalitarisme, dévoiement bien connu de l’égalité,
fait florès.
On l’a vu évidemment en Grèce avec la victoire de Syriza et
la marginalisation du Parti socialiste qui avait accepté de tenir une ligne
réaliste après des décennies de clientélisme et de discours populistes.
On l’a vu également avec l’éclosion de Podemos en Espagne
qui taille des croupières au Parti socialiste.
Mais on le voit actuellement dans les primaires du Parti
démocrate aux Etats-Unis avec la montée en puissance du vieux sénateur du
Vermont, Bernie Sanders, un socialiste affilié aux démocrates.
Il réunit, non seulement des foules lors de ses meetings
mais obtient de bons scores dans les sondages.
Cette même radicalisation atteint le Parti travailliste
britannique avec Jeremy Corbyn, un marxiste bon teint adepte des
nationalisations qui veut gauchiser la formation que Tony Blair a eu tant de
mal à moderniser pour la faire revenir au pouvoir et qui pourrait bien en
devenir le leader le 12 septembre prochain.
On peut ajouter à ce tableau désespérant le Front de gauche
en France et Die Linke en Allemagne, deux formations à la gauche des
socialistes et des sociaux-démocrates qui demeurent, encore, des forces
secondaires mais dont les discours extrémistes et démagogiques polluent le
débat politique.
Le social-libéralisme tant décrié par ces radiaux a pourtant
sauvé la gauche du naufrage à la fin du XX° siècle et au début du XXI°.
Un certain nombre de leaders de gauche se rendirent compte
alors que leur grille de lecture de la société et le discours qui allait avec
était obsolète, si jamais il avait eu une rationalité.
Devant les victoires à répétition de la Droite et notamment
de ses ailes radicales avec Ronald Reagan aux Etats-Unis en 1980 et Margaret
Thatcher en Grande-Bretagne en 1979 mais aussi avec l’échec des socialistes en
France à «changer la vie» en appliquant les vieilles recettes collectivistes,
ce qui avait obligé François Mitterrand à mettre en place la rigueur dès 1983
sous son premier septennat (pour tenter d’éviter un effondrement aux
législatives de 1986 qui eut quand même lieu), ils décidèrent de se moderniser
pour, à nouveau, avoir une chance d’occuper le pouvoir.
Evidemment, le réformisme du social-libéralisme fut attaqué
dès la naissance de la Troisième voie mais les victoires qu’il remporta
(Clinton en 1992, Blair en 1997, Schröder en 1998) marginalisèrent ses
opposants les plus virulents d’autant que l’Union soviétique, pays du
«socialisme réel» s’était effondré peu auparavant dans une faillite totale tant
au niveau politique qu’économique, social et sociétal.
Pourquoi subit-il aujourd’hui cette campagne violente et
parfois haineuse dans les pays démocratiques?
Deux raisons principales peuvent être avancées.
La première est d’ordre idéologique.
Tout une partie de la Gauche n’a jamais accepté la fin des
idéologies collectivistes et du clientélisme qui va avec.
Le retour sur le devant de la scène d’économistes, de
philosophes et autres intellectuels marxistes en est la preuve.
Le combat de cette gauche radicale et extrémiste contre la
démocratie républicaine libérale n’avait jamais cessé et attendait des jours
meilleurs pour que ses thèses reviennent sur le devant de la scène.
La Grande récession de 2008 a été le point de départ d’un
nouvel activisme qui a remis au goût du jour les vieilles recettes éculées
d’une gauche étatiste et populiste chez nombre de militants.
La deuxième est d’ordre politique.
La montée des inégalités, l’abandon de certaines politiques
sociales, l’enrichissement de certains, notamment de financiers, ont ému les
populations en général et plus particulièrement le «peuple de gauche» qui se
sent parfois «trahi» par ses dirigeants réformistes qui n’auraient pas fait
grand-chose pour les contrer.
Pour autant, la modernisation de la Gauche par ce courant
social-libéral a été bienfaisante pour celle-ci mais aussi pour toute la
société.
Il serait très dommage qu’il se retrouve marginalisé alors
que les démocraties ont besoin de toutes leurs forces pour affronter les défis
du XXI° siècle.
Les centristes doivent s’en inquiéter au même titre que la
radicalisation de la Droite et de la disparition des modérés au profit des
radicaux.
Car la démocratie républicaine a besoin de consensus (et non
d’unanimisme) pour aller de l’avant au lieu de se retrouver fragilisée par les
idéologues intolérants de tous les camps.
De ce point de vue, une Gauche moderne, responsable et
lucide est une nécessité.
Alexandre Vatimbella
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