On parle beaucoup de terrorisme ces derniers temps et des
menaces venus d’Al-Qaïda, de Daesh et de leurs affiliés respectifs.
Bien évidemment, ces criminels aveugles qui
instrumentalisent une religion pour accomplir leurs basses œuvres sont un
danger qu’il faut éradiquer.
Mais ils ne sont rien, pour l’instant, à côté des deux
principaux périls qui risquent de s’abattre sur nos têtes d’autant plus
fortement que nous n’avons pas pris réellement la dimension de leur menace –
même si nous en parlons à tout bout de champ et que nous nous inquiétons – et
que nous ne faisons pas les efforts nécessaires pour les prendre à bras le
corps afin de mettre en place rapidement les mesures adéquates: la pauvreté
couplée avec une démographie galopante dans certaines régions du monde; la
pollution et la destruction de notre environnement naturel.
Deux périls qui sont parfois liés.
Face à ce type de problèmes cruciaux, l’espèce humaine s’est
malheureusement toujours montrée incapable de se mobiliser réellement et a
préféré s’en remettre au destin, c’est-à-dire à la chance, pour s’en sortir et
si cela ne marchait pas, à la guerre et aux catastrophes naturelles pour les
régler – momentanément –, ce qui n’est évidemment guère glorieux, voire totalement
irresponsable.
Bien sûr, les cyniques mais aussi beaucoup de réalistes nous
expliqueront que toute question capitale de ce genre est hors de portée d’une
action humaine efficace et ne peut se résoudre que par la violence, soit des
éléments, soit des êtres humains.
Et c’est vrai que l’Histoire fourmille de conflits armés et
de déchaînement des éléments, faute d’avoir vu les humains trouver des
solutions aux périls qui les menaçaient.
Ceux-ci ont appris à regarder les cataclysmes survenir, à
compter les morts et à voir disparaître les civilisations dans une sorte de
résignation et de fatalité alors même qu’ils en sont souvent les responsables.
Si, dans le passé, l’ignorance des causes de ces périls pouvaient être une des
raisons de l’inaction, ce n’est plus vrai aujourd’hui même si nous ne
maîtrisons pas tous les savoirs et que nous sommes limités dans nos capacités
vis-à-vis de certains aspects de ces menaces.
Mais l’essentiel est de savoir que nous pouvons agir.
Plus important que cela, nous devons agir quels que soient
les moyens dont nous disposons.
Que nous réserve le futur à ce propos?
Est-ce que nous avons enfin assez appris du passé pour
éviter cela?
A l’évidence, cela n’a pas l’air d’être le cas.
Dès lors, les problèmes de pauvreté et de surpopulation (et
tout ce qui en découle ainsi tout ce qui se greffe dessus) trouveront leur
exutoire peut-être par une nouvelle guerre mondiale.
Quant aux problèmes de pollution et de destruction de notre
environnement naturel, ils se résoudront peut-être par une catastrophe
naturelle dont l’ampleur pourra être au-delà de notre imagination la plus
angoissée.
Cette guerre ou cette catastrophe naturelle «règleront» ce
que les humains n’auront pas voulu ou su résoudre car on peut parler des deux à
la fois, tellement à un moment donné les défis sont gigantesques et dépassent
peut-être l’entendement humain mais surtout nos capacités à pouvoir s’y atteler
et les résoudre réellement.
Il est vrai, par ailleurs, que la problématique générale est
compliquée quand on commence à l’analyser sérieusement.
On doit prendre en compte qu’aujourd’hui notre planète est
menacée par les activités humaines mais que dans le même temps des milliards de
gens sont pauvres, certains dans un dénuement presque complet (l’ONU estime que
plus d’un milliard de personnes vivent en deçà du seuil de subsistance avec
moins de 1,25 dollar de revenu par jour même si la proportion de la population
mondiale dans cette condition est passée de 47% à 22% entre 1990 et 2010), ou
vivent dans la précarité et que vouloir régler l’une (la pollution) sur le dos
de l’autre (la pauvreté) ou inversement ne se fera jamais parce qu’il est
impossible que l’homme et la femme qui veulent vivre, parfois seulement
survivre, renoncent librement à utiliser, voire détruire, la nature à leur
profit quand ils en ont un besoin crucial, quand leurs vies en dépendent à
court terme même s’ils savent que cette destruction à plus ou moins long terme
sera fatale à leur descendance et même, peut-être, pour eux.
Et la seule façon que peuvent avoir ceux qui luttent pour
l’environnement alors qu’ils ont une vie décente est d’imposer le respect de la
nature par la force à ceux qui n’ont rien.
D’où, in fine, quand la situation sera paroxystique,
l’augmentation d’un risque de conflit généralisé.
Pour pouvoir vraiment s’attaquer aux problèmes et trouver un
large soutien mondial, il faut ainsi chercher et trouver – le plus vite sera le
mieux – un juste équilibre.
Il faut trouver une voie raisonnable qui permettra de régler
ensemble la pauvreté et la pollution avant que les deux, ensemble, nous
plongent dans la crise ultime où une guerre et un désastre écologique se
produiraient en même temps comme dans un mauvais film catastrophe dont on peut
voir les prémisses dans nombre de conflits locaux et régionaux.
Il faut absolument éviter que les problèmes se règlent d’un
coup par la violence extrême des humains et des éléments, dévastant la planète.
On comprend bien que la résolution de ces deux défis
gigantesques ne peut se faire qu’à l’échelle mondiale.
C’est donc la construction d’une mondialisation humaniste
qui sera la base d’une organisation capable de s’attaquer à la pauvreté, à la
surpopulation et à la pollution.
Penser à notre planète de manière équilibrée requiert
l’investissement de tous, la coopération de tous, n’en déplaise à tous ceux qui
veulent se recroqueviller chez eux, pensant que dans ce monde où tout est de
plus en plus interconnecté, ils pourront échapper à la violence derrière leurs
frontières dérisoires, un peu comme la ligne Maginot lors de la Deuxième guerre
mondiale et encore, elle, elle a tenu le choc mais a été contournée...
Pour parvenir à mobiliser la planète, le juste équilibre
doit concerner les comportements (grâce à l’éducation et l’information), les
activités économiques (grâce à des incitations et à l’innovation)
Il doit bien évidemment comporter également un volet
répressif mais il doit être conçu avant tout comme une prise de conscience en
encourageant toutes les initiatives, en promouvant la vertu de l’exemple mais
aussi à permettre une réelle compréhension des enjeux d’une population souvent
désorientée par les informations multiples et contradictoires, voire de
propagande mensongère, qui se déversent en flots tous les jours.
Les discours doivent ainsi être réalistes. Ce n’est pas en
annonçant sans arrêt une catastrophe pour le lendemain alors que rien ne se
passe que l’on va crédibiliser les actions entreprises et à entreprendre.
De même, il faut cesser de glorifier un passé qui ne le
mérite pas, voire un état «naturel» qui ne l’était pas plus, mais travailler à
ce que le présent puisse être ce moment où l’on va vers un avenir que l’on
construit sur des principes acceptables, acceptés et ayant du sens,
c’est-à-dire offrant du mieux et refusant ce retour en arrière vers un éden que
nous aurions quitté et qui n’a jamais existé.
Oui, il faudra, en matière d’environnement, agir nettement
plus qu’aujourd’hui et que les conférences comme celle de Paris (COP21, 21°
Conférence des Nations unies sur les changements climatiques) qui se tiendra en
décembre prochain sur le climat accouchent de mesures concrètes et de décisions
fortes autrement plus puissantes que celles qui ont été prises ces dernières
années.
Mais il faudra, en même temps, cette vision réaliste qui est
de rendre ces mesures et ces décisions acceptables à ceux qui luttent pour leur
survie tous les jours, c’est-à-dire qu’elles puissent s’appliquer réellement tout
en ne les condamnant pas à l’extrême pauvreté, voire à la mort.
Ce qui passe par une meilleure répartition des richesses,
pas par générosité envers ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose mais tout
simplement et cyniquement parce que notre bien être, voire plus, dans nos pays
avancés dépend de cette redistribution dans les pays émergents et en voie de
développement.
Car si une balance entre lutte contre la pauvreté et la
lutte contre les menaces environnementales n’est pas trouvée, alors nous ne
résoudrons ni l’une, ni les autres et nous en paierons le prix à un moment ou à
un autre.
Et les humains et les éléments seront alors les vecteurs, à
terme, d’un bouleversement destructeur sans doute d’une ampleur gigantesque.
Un sondage que vient de réaliser Ipsos pour le magazine La
Recherche et le quotidien Le Monde, montre que les Français sont désormais bien
au fait de la réalité dans toute sa complexité.
Ainsi, 41% estiment que «certainement» et 52% «probablement»
l’activité humaine est responsable du réchauffement climatique.
En outre, 62% pensent que c’est l’agriculture et la
déforestation qui en sont les principaux responsables, 55% que l’essor
industriel des pays en voie de développement en est également la cause.
En revanche, en matière de solutions, on est déçu que
l’investissement en faveur des pays en voie de développement ne vienne qu’en
cinquième et dernière position et ne soit considérée comme «efficace» que par
18% des sondés juste derrière le développement d’innovations scientifiques et
technologiques («efficace» pour seulement 27% d’entre eux), tous deux loin
derrière les mesures coercitives (34%), la modification des comportements
personnels (44%) et l’investissement plus important des industriels (56%).
Or si, évidemment, toutes ces solutions sont essentielles et
forment un tout indissociable dans l’optique de juste équilibre que nous avons
défini plus haut, une grande partie de la résolution du couple pauvreté-menaces
environnementales passe bien par l’investissement dans ces pays et par des innovations
scientifiques et technologiques – et non par la négation du progrès et le
retour en arrière que peuvent suggérer parfois ce que l’on met dans les autres
solutions –, tout simplement parce qu’on est là dans l’agir responsable et
concret au plus près de la racine profonde de la menace pour l’Humanité.
Reste que nous avons chacun une responsabilité d’agir, non
pas par choix, mais par obligation.
Et, nous, habitants des pays démocratiques et républicains,
nous devons montrer que notre liberté mais également notre bien-être est
indissociable désormais de la fraternité qui nous unit à toute l’Humanité.
Tout cela pas demain, aujourd’hui.
Alexandre Vatimbella
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