L’«Obama bashing» est devenu un sport national aux
Etats-Unis.
Il permet à tous les frustrés de son action de déverser leur
fiel sur celui-ci alors qu’il ne lui reste plus que deux ans à passer à la
Maison Blanche et qu’il est déjà considéré, aux yeux des médias, comme un «lame
duck», un président qui est en bout de course et sans plus aucune chance de
faire passer ses projets de loi, ni même de peser sur le débat politique.
L’extrême-droite du Tea Party et la droite radicale du Parti
républicain ont toujours été dans la critique systématique du premier président
noir du pays.
Tout comme l’extrême-gauche et la gauche radicale du Parti
démocrate qui a attaqué dès le départ son discours consensuel.
En revanche, les démocrates modérés ont été pendant
longtemps dithyrambiques, tout comme l’ont été les médias pendant les trois
premières années de sa présidence et lors de la réélection.
Or, désormais, les premiers sont très critiques et les
autres, tel un troupeau de mouton, rivalisent à celui qui pourra être le plus
dur sur ce président qu’ils ont tellement encensés que c’en était indécent,
tout comme le sont les critiques systématiques d’aujourd’hui.
Quant aux Américains, leur jugement est plus nuancé si l’on
décortique l’ensemble des sondages mais il est clair qu’ils sont aussi dans une
défiance que l’on peut qualifier de globalement injuste.
Car – et les politologues sérieux s’accordent sur cette
réalité – Barack Obama, qu’on le veuille ou non, restera dans les livres
d’histoire comme un président qui a entrepris de grandes réformes, au même
titre qu’un Lyndon Johnson dans les années soixante, et non celui dépeint
actuellement par ce dénigrement outrancier comme un homme incapable de prendre
une décision ou de faire passer une mesure, qui plus est, velléitaire et
pusillanime en matière de politique étrangère.
Cette vision est d’ailleurs tellement incohérente que les
adversaires du président américaine doivent constamment jongler entrer les
reproches d’avoir trop agi et ceux de n’avoir rien fait!
Car, de la loi sur l’assurance-santé au recouvrement de
l’indépendance énergétique du pays en passant par les mesures contre le
réchauffement climatique, les mesures économiques qui ont permis au pays de ne pas
sombrer dans une dépression encore plus grave que celle des années 1930 avec, à
la clé, une réforme du système financier, le sauvetage de nombre d’entreprises
en grande difficulté et un nombre important de créations d’emplois, par les
mesures pour réformer le système scolaire ou encore par la fin de la guerre en
Irak et bientôt de celle d’Afghanistan, sans oublier l’élimination de Ben Laden,
le bilan actuel de Barack Obama est impressionnant.
Et l’on ne parle pas de sa volonté de continuer les réformes
nécessaires comme celles de l’immigration, de la fiscalité ou du port d’arme
qui ne peuvent aboutir face au blocage total du Congrès par les républicains.
Bien évidemment, toutes ces réformes et ces mesures n’ont
pas été parfaites parce que, par exemple, une réforme n’est pas réductible à un
instant T mais doit être appréciée dans le temps avec ses ajustements et parce
que, plus profondément, aucune ne réforme ne l’est jamais totalement.
Mais l’Affordable care act, la loi sur l’assurance-santé,
est une réussite globale que plus personne ne peut plus remettre en cause sauf
en diatribes politiciennes qui n’auront in fine que peu de conséquences sur son
existence quelle que soit la majorité au Congrès en novembre prochain après les
«midterm elections», les élections de mi-mandat qui pourraient voir les
républicains majoritaires à la Chambre des représentants ainsi qu’au Sénat.
Cela dit, il est évident que le positionnement centriste
d’Obama est, en partie, responsable de ses déboires politiques actuels.
En voulant travailler avec tout le monde, en ayant proposé
des mesures «bipartisanes», en ayant rejeté toutes les mesures extrémistes d’un
bord ou de l’autre, en ayant développé un discours de rassemblement, il s’est
aliéné tout ce que les Etats-Unis comptent de clientélismes, tant au Parti
républicain qu’au Parti démocrate.
Dans l’histoire politique des démocraties, il est loin
d’être le seul à avoir connu des attaques virulentes des deux bords de
l’échiquier politique en voulant gouverner avec le principe centriste du juste
équilibre ou, en tout cas, avec la préoccupation de servir l’ensemble de la
population et non pas une clientèle.
Ce fut le cas, entre autres du président américain Theodore
Roosevelt ou du président du conseil français Aristide Briand.
On peut aussi observer la même hostilité à des politiques
qui ont voulu gouverner au centre comme Valéry Giscard d’Estaing, Tony Blair ou
Mario Monti.
Certains ont réussi à passer entre les gouttes de la haine,
tel Bill Clinton qui a du quand même affronter une procédure de destitution
menée par les républicains ultras.
Quoi qu’il en soit, Barack Obama demeurera comme un
président qui a voulu réformer les Etats-Unis en en (re)faisant une république
démocratique où les «opportunities» (opportunités de réussir) seraient la base
d’une véritable méritocratie, tout en mettant en place un système qui
garantirait une égalité des chances avec un école plus efficace, un système de
santé plus rationnel et un système fiscal plus juste.
Il faut espérer que dans les plus de deux ans qui lui
restent à diriger la première puissance du monde, il soit capable de trouver
les majorités afin de peaufiner le travail déjà accompli.
Non pas pour lui, non pas pour le Centre mais pour les
Etats-Unis et la planète toute entière.
Alexandre Vatimbella