Peu après son élection comme
nouveau secrétaire général du Parti communiste, de nombreux observateurs
chinois avaient prévenus les étrangers: non seulement Xi Jinping n’a jamais été
un démocrate mais il sera encore plus un communiste borné que ses
prédécesseurs.
Beaucoup y ont vu une
exagération.
Au vu de ce qui s’est passé ces
derniers mois, ils avaient totalement raison. Malheureusement.
Comme le rappelait récemment le
journaliste Jeremy Page dans le Wall Street Journal, en visite à Wuhan, la
capitale de la province du Hubei, Xi Jinping «s’est rendu dans une villa au bord
du lac où Mao Zedong passait ses étés dans les années 1950» et «a déclaré que
cette villa devrait devenir un centre pour l’éducation des jeunes sur le
patriotisme et la révolution».
Une semaine auparavant, il avait
déclaré que «notre nation rouge ne changera jamais de couleur». Cela avait le
mérite d’être clair.
Sans oublier son appel à
combattre l’extension des «sept problèmes sérieux» qui gangrènent selon lui la
Chine comme «les valeurs universelles, la liberté de la presse, la société
civile et l’indépendance de la justice» ainsi que le «constitutionnalisme» qui
voudrait que le Parti communiste obéisse à la loi!
Fermez le ban…
Tout cela a permis aux leaders de
l’aile gauche de ce même parti de déclarer qu’il fallait se ranger derrière Xi
car il reprenait l’ensemble de leurs préoccupations comme l’a écrit l’économiste
Zang Hongliang.
Et tout cela n’était qu’une mise
en bouche.
Depuis, un tout nouveau portrait
de Mao orne la place Tien An Men, des autocritiques demandées aux responsables
ont fleuris dans les journaux officiels et à la télévision comme aux plus
belles heures de la révolution cutlurelle, les arrestations de ceux qui
«propagent des rumeurs» se sont multipliées, une phraséologie que ne renierait
pas le Grand timonier est à nouveau à la mode chez les fonctionnaires de la
propagande.
Oubliés les centaines de millions
de morts dont il est directement responsable, ses erreurs économiques criminelles,
sa vision désastreuse du pays et de l’histoire, Mao est donc de retour grâce à
Xi Jinping.
Et pourtant, avec la chute de Bo
Xilai, reconnu coupable le 22 septembre dernier de «détournements de fonds,
corruption et abus de pouvoir», qui était celui qui l’avait remis au goût du
jour quand il dirigeait la ville-province de Chongqing et l’arrivée de Xi
Jinping dont le père avait été martyrisé lors de la révolution culturelle, on
pensait que ce serait le mouvement inverse, celui de la «démaoïsation» qui
serait de mise.
On avait donc tout faux!
Non seulement Xi Jinping n’a pas
pris cette occasion pour démontrer que Mao devait être jeté aux poubelles de l’histoire
mais il l’a réhabilité pour mener une campagne contre la corruption, accusation
qui, dans un régime totalitaire, est souvent utilisée contre ceux qui ne sont
pas d’accord avec vous.
Cependant, le Chine d’aujourd’hui
n’a plus rien à voir avec celle de Mao et les Chinois n’ont certainement pas
l’intention de se laisser «remaoïser» sans rien dire même si la campagne contre
la corruption est sans doute bienvenue dans une population qui en subit les
conséquences depuis des décennies.
Mais le tour de vis autoritaire
que veut prendre Xi Jinping est peut-être une façon de se prémunir contre les
difficultés économiques et sociales que le pays risque de traverser dans les années
qui viennent même si une embellie de l’économie semble se dessiner récemment.
Car tous les dangers qui guettent
cette dernière sont toujours là comme une machine productive pas assez moderne
et tournée toujours en grande partie vers l’exportation, les dettes
pharamineuses des provinces et une économie boostée par les dépenses publiques
et non par l’innovation (qui nécessite une société civile largement autonome et
régit par des règles démocratiques) ainsi que par un dumping alliant protectionnisme
et subventions à l’exportation, le tout totalement contraire aux accords
internationaux signés par la Chine.
Tout régime autoritaire a comme
premier réflexe, devant les difficultés qui s’annoncent, de verrouiller ce qu’il
peut au lieu de se réformer pour accepter l’évolution inéluctable de la société,
retardant ainsi la démocratisation et ses bienfaits.
Si cela se termine parfois mal
pour lui, malheureusement, parfois aussi cela produit de la violence dont est
victime la population et peut amener un pays à devenir agressif sur la scène
mondiale.
Dans ce cadre, les appels répétés
et inquiétants de Xi Jinping à renforcer l’armée chinoise et ses capacités ne
doivent donc pas être pris à la légère.
Alors que l’on a espéré un temps
que Xi pourrait être un Gorbatchev chinois, il pourrait bien être un Brejnev… Ou, plus inquiétant, simplement un nouveau Mao.
Alexandre Vatimbella avec la
rédaction de l’agence
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