Elu en grande partie pour mettre
un terme aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, Barack Obama, en recevant son
prix Nobel quelques semaines après son élection, avait expliqué qu’il ne s’interdisait
pas de faire la guerre si cela s’avérait nécessaire pour le bien de son pays.
De même, en arrivant au pouvoir,
il avait pris tout le monde par surprise en remettant à l’honneur le travail
législatif en faisant en sorte, lors de la loi sur l’assurance-santé, de
laisser au Congrès une large autonomie pour décider de son contenu, ce qui
avait généré un débat citoyen dans tout le pays.
La crise syrienne vient nous
rappeler ces deux importants piliers de la «méthode Obama»: l’action, en l’occurrence
ici militaire, doit, non seulement être juste et morale, mais être bénéfique
aux intérêts américains; la discussion au sein du Congrès mais également dans
toute la population doit être de mise pour toute décision importante.
En ce qui concerne ce dernier
point, c’est, dans le cas qui nous intéresse ici, à la fois une grande victoire
et une grande défaite pour la démocratie!
Il s’agit d’une victoire pour la
démocratie américaine puisque celle-ci délibère au grand jour sur la nécessité
de frappes contre la Syrie.
Dans le même temps, c’est
également une défaite de la démocratie qui montre sa faiblesse et son
indécision face à ses ennemis ainsi que face aux victimes de ces derniers.
La contradiction du système
démocratique entre ses principes de fonctionnement et sa défense face aux
menaces extérieures est posée dans toute sa dimension.
Personne ne peut regretter le
débat démocratique qui a saisi les Etats-Unis quand Obama a décidé de laisser
les élus choisir ou non l’action militaire pour punir la Syrie mais personne,
non plus, ne peut se satisfaire de l’indécision dans laquelle cela a mis le
gouvernement de Washington.
La délectation avec laquelle
Vladimir Poutine a rejoué les plus belles partitions de la guerre froide le montre
aisément.
Quant à ceux qui reprochent à
Barack Obama cette voie qu’il aurait choisie par faiblesse et incohérence de sa
vision du monde, ils ont oublié qu’il a toujours été pour une démocratie
délibérative et qu’il l’a toujours promue même dans les pires moments de sa
présidence.
Bien sûr, que ses compatriotes
refusent de punir le dictateur syrien et son régime pour ses crimes abominables
vis-à-vis de ses civils ne peut être une victoire des valeurs véhiculées par la
démocratie.
Pour autant, dans le même temps,
c’est bien le fonctionnement de la démocratie qui en sort grandi…
Quant à la guerre juste et morale
qui sert les intérêts des Etats-Unis, deux points importants.
D’une part, la défaite du régime
autocratique syrien ne serait pas une victoire pour les Américains – et n’a
jamais été considérée comme telle à Washington – puisque la plus grande
probabilité serait aujourd’hui que les fondamentalistes islamistes s’emparent alors
du pays ou d’une grande partie de celui-ci et mènent des attaques terroristes
conte l’Occident après avoir massacré les chrétiens syriens.
Mais la victoire de Bachar
El-Assad serait une défaite pour les Américains qui, en tant que leader du
monde démocratique, n’auraient pu empêcher un dictateur d’utiliser à sa guise
et sans aucune sanction des armes interdites par la communauté internationale
contre des civils et, en particulier, des enfants.
Certains pensent que Barack Obama
a refilé la patate chaude aux sénateurs et représentants américains tout en
faisant valoir son point de vue mais en espérant qu’il n’aurait pas à mener une
action militaire afin de ne pas devoir choisir entre deux mauvaises solutions
et ne pas être responsable de l’option choisie.
De ce point de vue, les
déclarations de son secrétaire d’Etat, John Kerry, sur la seule façon qui
rendrait les frappes inutiles, la destruction de toutes les armes chimiques
syriennes après qu’elles aient été confiées à la communauté internationale, est
vue, non comme un malheureux lapsus lors d’une conférence de presse, mais comme
un moyen malin de se désengager sans trop d’humiliation alors même que le
Congrès ne sait pas, non plus, trop quoi faire avec ladite patate...
Sans aller jusqu’à créditer l’administration
américaine de tant de machiavélisme, il est vrai que si la crise se résolvait
par cette réelle destruction, les Etats-Unis n’en seraient pas les perdants malgré
le fait que les frappes militaires, au départ, n’avaient aucun rapport avec l’élimination
de ces armes mais était une punition pour les avoir utilisées…
Quoiqu’il en soit, la crise
syrienne montre à l’évidence que les dictatures sont plus fortes que les
démocraties dans les bras de fer internationaux car elles n’ont pas à prendre en
compte leurs fameuses opinions publiques, ce qu’Hitler avait bien compris et
que les accords de Munich avaient entériné en 1938.
Cependant, on ne peut critiquer
le fait que les règles démocratiques fonctionnent.
Tout au plus, on peut et on doit
regretter que les peuples ne soient pas assez informés des réalités du monde et
des conséquences d’un refus d’intervenir pour des motifs aussi importants.
Car après Munich, il y a eu la Deuxième
guerre mondiale et tous ceux qui croyaient qu’il suffisait de détourner les
yeux pour sauver leur peau en ont été pour leurs frais…
Quant à la «méthode Obama», elle
sera jugée par l’Histoire sur ses résultats à long terme que ce soit en
politique intérieure et en politique étrangère.
En revanche, que ce soit en 2008
lors de sa première élection ou en 2012 lors de sa réélection, on ne peut pas
dire qu’il a pris les Américains en traître.
Cette démocratie délibérative
dont il a appris le maniement quand il était travailleur social dans les
quartiers pauvres de Chicago et qu’il devait trouver des solutions dans une
atmosphère de violence endémique, est bien son mode de fonctionnement.
La mettre à l’honneur dans un
pays où l’on parle depuis la président de Nixon dans les années 1970 de «présidence
impériale» est une bonne chose dans une démocratie mature.
Malheureusement, elle suppose une
majorité de citoyens également matures et là, rien n’est moins sûr…
Alexandre Vatimbella
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