Bien sûr, ils n’avaient jamais
abdiqué leurs pouvoirs et leurs souverainetés mais au cours des premières
années du XXI° siècle on avait cru à une percée définitive de la coopération
mondialisée avec des organismes internationaux qui semblaient devenir des
assemblées décisionnelles de la gouvernance mondiale comme, par exemple, l’OMC
ou le FMI sans parler, après 2008, du G20 qui devait ainsi devenir le nouveau
gouvernement mondial.
Mais, en cette année 2013, la
realpolitik semble avoir balayé tout cela avec le fiasco de ces grandes messes
mondialisées incapables de prendre de véritables décisions et le retour en
force des Etats-nations dans le cadre de relations bilatérales et
multilatérales dont ils demeurent les acteurs décisionnaires principaux comme l’estime
Thierry de Montbrial dans le nouveau rapport Ramsès de l’IFRI (*).
Ainsi, le directeur de l’IFRI
affirme qu’«il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que les Etats continuent
d’exister, qu’ils tendent même à s’affirmer davantage, et que les valeurs du
nationalisme (ou du patriotisme!) se portent au mieux, pour le meilleur ou pour
le pire».
Et ce n’est pas pour lui
déplaire, lui qui pense qu’«il faut en finir avec la vision naïve d’une
mondialisation qui aurait rendu le monde ‘plat’».
Car les Etats forts sont ceux qui
peuvent s’opposer à un monde où l’instabilité est de règle, notamment par les
actions violentes des mouvements terroristes, en particulier au Moyen Orient
(mais aussi largement en Afrique et en Asie) où règne encore un «monde
préwestphalien», c’est-à-dire qu’«on ne peut souvent comprendre les situations
qu’«en prenant acte de ce que les réseaux traditionnels, clairement distincts
des Etats et beaucoup plus anciens qu’eux (familles, tribus, ethnies, etc.)
l’emportent sur les cadres plaqués à l’occasion des discontinuités de
l’histoire».
Fort de ce constat, Thierry de
Montbrial approuve largement la vision russe du conflit syrien d’une lutte
entre un pouvoir laïc dirigé par le clan Assad (qui protège notamment la
minorité chrétienne du pays) et des forces islamistes menées essentiellement
par Al Qeida qui veulent instaurer un régime religieux radical.
Non pas que le régime d’Assad
représente le bien mais que, dans une vision de realpolitik évoquée plus haut,
il est le rempart à quelque chose d’encore pire que lui, pour la stabilité de
la région et du monde comme il l’a expliqué lors de la conférence de
présentation du rapport.
Même en matière économique, le
directeur de l’IFRI affirme que le nationalisme est plus fort que la
mondialisation et pas seulement dans des pays comme la Chine: «avec l’idéologie
de la mondialisation libérale s’est développé le mythe des entreprises
transnationales flottant en quelque sorte en dehors des Etats».
Tout au contraire, selon lui,
«l’un des critères de puissance d’un Etat est le nombre et l’importance des
entreprises ayant la nationalité de cet Etat».
Et de poursuivre: «ce sont les
Etats les plus forts qui sont les mieux placés pour défendre leurs intérêts
nationaux dans le domaine des entreprises, en utilisant toutes les ressources de
leurs réseaux, y compris dans leurs prolongements étrangers».
Au vu de la situation de la
planète, la vision de Thierry de Montbrial semble loin d’être incongrue…
Alexandre Vatimbella avec la
rédaction de l’agence
© 2013 LesNouveauxMondes.org
(*) Ramsès 2014 – Les jeunes vers
l’explosion? / Direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges /
Dunod / 32 €