Après les déceptions du printemps arabe qui s’est mué en
automne voire en hiver avec la mainmise de forces antidémocratiques sur la
victoire du peuple, voici l’été égyptien qui recèle de nombre de promesses mais
aussi de plusieurs dangers.
Celui-ci n’est pas survenu comme ça, du jour au lendemain,
et n’est pas un événement isolé, les manifestations en Tunisie contre
l’obscurantisme et l’incurie du gouvernement ont les mêmes racines.
Car la destitution du président Morsi en Egypte est avant
tout un coup d’Etat du peuple avant d’en être un de l’armée.
Il s’agit d’une rébellion devant une situation politique,
économique, sociale et sociétale catastrophique dont le principal responsable
est une organisation qui n’a jamais fait mystère de son opposition farouche à
la démocratie républicaine, les Frères musulmans, dont le seul objectif depuis
plus d’un an a été l’instauration d’un Etat islamique incompatible avec le
régime démocratique qui les a portés au pouvoir.
Nous voilà bien au cœur de la contradiction de ce printemps
arabe que j’ai souvent pointé du doigt et qui, après l’euphorie d’une
libération contre les dictateurs et les régimes autoritaires, a été phagocyté
par les groupes religieux extrémistes bien structurés par des années de
clandestinité dans leur lutte face aux despotes dont ils reprochaient avant
tout leur régime laïc bien plus que leurs prévarications et l’absence de
liberté.
La tournure dramatique qu’avait pris le printemps arabe
permet de rappeler encore une fois à ceux qui clament que la démocratie c’est
la volonté sans borne d’une majorité issue d’élections plus ou moins honnêtes,
que ce qui caractérise, en réalité, ce régime, c’est la protection des droits
de la minorité et, principalement, de sa liberté.
Seule cette protection fait en sorte que l’on ne peut pas,
au nom d’une majorité électorale qui est conjoncturelle, changer le système
pour se l’accaparer.
De ce point de vue, les pratiques mises en place tant en
Egypte qu’en Tunisie pour transformer le pays en nation islamique et que tente
de prendre également le gouvernement turc par une voie un peu plus détournée
mais tout autant liberticide, sont antidémocratiques et antirépublicaines.
La révolte d’une partie du peuple égyptien est, de ce point
de vue, une bonne nouvelle et une bouffée démocratique que tout défenseur de la
liberté se doit de saluer.
Cela ne veut pas dire que tout est réglé.
La prise du pouvoir par l’armée, même si celle-ci devrait
être transitoire selon ses chefs, doit inciter à une grande vigilance.
De même que l’on ne peut se réjouir du renvoi d’un président
démocratiquement élu. Cette pratique doit demeurer une exception et
n’intervenir que si la démocratie est en danger réel, voire en train de
disparaître, ce qui était le cas en Egypte.
Il faut, au contraire, regretter l’instrumentalisation de la
démocratie par une organisation qui, comme toutes celles qui veulent établir un
régime autoritaire, connaît bien le moyen de l’abattre de l’intérieur tout en
faisant semblant d’en être les défenseurs.
Il est trop tôt, évidemment, pour savoir comment va évoluer
la situation égyptienne. L’armée va-t-elle jouer le jeu démocratique? Les
Frères musulmans ont-ils la capacité de reprendre le pouvoir par la force? Les
forces démocratiques vont-elles à nouveau se déchirer en ouvrant la porte aux
obscurantistes?
Quoiqu’il en soit, il serait bon que les démocraties ne
fassent pas les mêmes erreurs qui ont permis aux Frères musulmans de
s’accaparer le pouvoir.
Il en va de leur honneur et de l’espoir de milliards
d’individus dans le monde qui n’ont pas le droit à la liberté.
Oui, il ne faut pas gâcher les promesses de l’été égyptien.
Alexandre Vatimbella
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