Le
progrès est une notion controversée parce que tout le monde y a mis ce qu’il
voulait depuis qu’il est devenu une notion centrale du développement de l’humanité.
Mais,
dans sa définition première et suscitant moins de polémique, il s’agit de rendre
meilleur le monde pour tous grâce aux capacités humaines utilisées de la
meilleure manière qui soit.
Cette
tâche essentiellement qualitative n’est pas du tout évidente à réaliser alors
que cela devient de plus en plus nécessaire dans un monde où la recherche
effrénée de la croissance économique (vision essentiellement quantitative du
progrès) a, certes, permis des avancées extraordinaires mais avec des dégâts
collatéraux parfois immenses qui imposent que l’on recherche une autre voie de
développement que celle que l’humanité prend depuis la révolution industrielle
de l’Europe au XVVI° et XIX° siècles, aux quatre coins de la planète.
Tout
ceci est évidemment plus facile à dire et écrire qu’à faire.
Depuis
des décennies, voire plus, des hommes et des femmes, simples citoyens ou
sommités dans leurs domaines d’expertise, sont partis à la recherche de ce
graal. Pour l’instant, ils sont revenus bredouilles avec des ersatz de
solutions qui ne satisfont que des chapelles idéologiques de tous bords.
Dès
lors, il faut se poser la question concomitante de l’existence même d’un
progrès sans dégâts et de savoir, si la réponse est négative, quelle doit être
le choix de l’humanité.
Doit-on,
par exemple, parler de croissance zéro, de décroissance et autres concepts qui
sont prônés par les écologistes extrémistes et malthusiens et dont la mise en
place plongerait une grande majorité des populations dans la pauvreté et, pour
la partie qui l’est déjà, dans une pauvreté absolue?
Et
puis, comment expliquer aux centaines de millions de personnes qui ne mangent
pas à leur faim qu’ils n’ont aucun espoir de vie meilleure?
Doit-on,
au contraire, accepter les dégâts collatéraux comme inévitables et sans
remettre les yeux fermés aux capacités humaines de trouver des solutions par le
progrès technique, scientifique et social à travers l’innovation?
Quitte
à ne rien trouver et à s’enfoncer dans des temps obscurs…
Les
nombreuses conférences et colloques qui se succèdent ces derniers temps ne
parviennent pas à trancher afin de réunir l’ensemble de la planète autour d’un
consensus minimum.
D’autant
qu’il n’existe pas aujourd’hui d’indices permettant de mesurer le progrès
au-delà de sa traduction économique avec la croissance du PIB.
De
multiples études ont été commandées, de nombreuses recherches réalisées pour
trouver un indice du bonheur indépendant du taux de croissance, sans résultats
probants.
On
se rappelle, entre autres, la commission mise en place par le président
français, Nicolas Sarkozy, et réunissant plusieurs prix Nobel dont les
économistes Amartya Sen et Joseph Stiglitz, qui, malgré des travaux de haut
vol, accoucha d’une souris.
Car,
plus on avance sur ce sujet plus on se rend compte qu’il faudrait de multiples
données qui ne sont pas synthétisables dans un seul indice pour apprécier ce
bonheur et que le tout demeurerait largement subjectif.
Prenons
par exemple les enquêtes sur l’avenir. Quand on interroge les peuples, ils sont
actuellement largement pessimistes sur celui de leur pays et du monde. Mais
lorsque l’on interroge les individus sur leur propre avenir personnel, ils sont
généralement optimistes…
Le
Bhoutan qui voulait révolutionner l’approche du développement avait mis en
place un indice du bonheur (le BNB, Bonheur national brut) scruté avec intérêt
par les chercheurs. Il vient de le supprimer sur fond de grave crise économique
et d’une défiance de plus en plus grande de ses habitants sur cet indice qui ne
reflétait guère leur condition...
L’INSEE
– l’institut français de la statistique – a décidé récemment de comptabiliser
matériellement et monétairement parlant toutes les tâches domestiques (mais,
bizarrement pas l’acte sexuel, ni le sommeil, comme l’explique le philosophe
Jean-Pierre Dupuy dans Le Monde). Du coup, selon ses experts, nous sommes,
paraît-il, beaucoup plus riches que nous le croyons.
En
fait au-delà de situations grotesques qui devraient, par exemple, faire du
chômeur qui reste chez lui, le gardien de son appartement dont il faudrait
calculer le salaire en comparaison du salaire moyen de la profession, ils ont
fait une totale inversion de ce que nous devons rechercher: faire en sorte de
traduire tout ce qui est monétaire en qualité de vie. Retour à la case départ.
Alexandre
Vatimbella
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