Pour
qualifier une relation double, on utilise depuis 1953 un mot aux Etats-Unis
inventé pour l’occasion de «frienemy» dont la définition est que l’on est, à la
fois, ami et ennemi et qui se module selon les circonstances sur une palette de
situations qui va de vrais amis avec des relations conflictuelles jusqu’aux vrais
ennemis condamnés à s’entendre.
Au
moment où se déroule en Californie le sommet mondial entre Barack Obama, le
président américain récemment réélu, et Xi Jinping, le président chinois
récemment nommé, la relation sino-américaine a tout de cette schizophrénie qui,
d’autant plus, selon les questions analysées, peut recouvrir des significations
différentes...
Car
le G2 (ce gouvernement mondial bicéphale réunissant les Etats-Unis et la
Chine), tout comme le BRICS (club des grands émergents réunissant le Brésil, la
Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), est plutôt de l’ordre du
fantasme médiatique et d’une création frankensteinienne d’experts en mal de
notoriété que d’une réalité d’une gouvernance responsable de la planète à deux!
On
se trouve plus dans un continuel mouvement entre deux puissances (la première,
établie de longue date, et la deuxième, qui est encore émergente) qui ont
besoin l’une de l’autre pour exister et continuer à se développer mais des
puissances qui doivent se mater l’une l’autre pour écarter un ennemi plus que
potentiel.
Comme
l’explique au site web The Hill, David Fagan, un analyste américain, «nous n’avons
jamais eu une relation auparavant où il y a une telle quantité de liens
économiques entre deux puissance et dans le même temps la plus grande rivalité
en matière militaire. Il n’y a pas d’autres circonstances dans le monde
contemporain, dans l’histoire des Etats-Unis, où nous avons eu ce genre de
relations».
Les
Etats-Unis et la Chine sont des partenaires en matière économique (la Chine a
besoin du marché américain, les Etats-Unis ont besoin des capitaux chinois pour
acheter leur dette, mais ce n’est pas un partenariat sain).
Ils
le sont également en matière de terrorisme globalement et plus précisément en
matière de terrorisme islamique.
A
l’opposé, les Etats-Unis et la Chine sont des adversaires en matière de puissance,
militaire, de présence dans le monde (Afrique, Amérique Latine, Asie), de
commerce, de vision de la mondialisation et, surtout, de confrontation des
modèles (démocratie contre régime autoritaire).
Ainsi,
le fondement de la relation sino-américaine est avant tout une opposition forte
de deux modèles et de deux ambitions de puissance mondiale dominante (mais
aussi en matière bilatérale, qui va dominer l’autre dans ce G2 conflictuel?).
D’où
les questions essentielles que cette situation pose aux deux pays mais aussi à
la planète toute entière.
-
Cette schizophrénie peut-elle durer?
Oui,
évidemment et elle peut même s’approfondir dans les décennies à venir tout en laissant
aux deux puissances des fenêtres afin de maintenir au minimum des relations de
coexistence pacifique tendues, génératrices de conflits d’intérêts de plus en
plus importants au fur et à mesure que les intérêts de confrontent.
-
Les relations peuvent-elles évoluer positivement?
Oui,
il peut y avoir une sortie gagnant-gagnant même si ce n’est pas vraiment dans l’ordre
des choses. Lorsqu’il y a confrontation entre les deux premières puissances
mondiales, qui plus est rivales, il y a souvent un gagnant et un perdant comme
ce qui s’est passé entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique au XX° siècle ou
entre la France et la Grande Bretagne aux XVIII° et XIX° siècles.
-
Une guerre est-elle possible? Directe? Indirecte?
Une
guerre directe est plus de l’ordre de l’impossible aujourd’hui, d’autant que la
Chine n’est pas prête malgré ses rodomontades de plus en plus nombreuses ainsi
que les discours militaristes de Xi Jinping et que les Etats-Unis en paieraient
un prix beaucoup trop astronomique. Demain est évidemment un autre jour…
En
attendant, il peut y avoir des conflits indirects avec le soutien à des belligérants
opposés dans des conflits régionaux comme ce fut le cas lors de la guerre
froide entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Il est possible, par
exemple, que ceux-ci puissent éclater en Asie ou en Afrique.
A
noter, tout de même, qu’en Asie, les différends entre pays mettent toujours en
jeu la Chine directement (sauf pour la Corée du Nord et encore), face,
notamment, au Japon, à l’Inde, aux Philippines ou au Vietnam. Il y aurait donc
un risque de confrontation beaucoup plus directe entre les deux puissances en
cas de conflit armé, par exemple, entre la Chine et le Japon pour les îles Diaoyu-Senkaku.
-
Qui, des deux, peut gagner le bras de fer s’il continue ainsi?
Dans
le court et moyen terme, il semble impossible à la Chine de gagner malgré sa
puissance financière car celle-ci est assise sur ses exportations
principalement. Sans ses clients occidentaux, pas de développement économique
suffisant. C’est moins évident sur le long terme même si la Chine, toujours
elle, fait face à des défis énormes comme les dettes de ses provinces, sa
corruption endémique, son absence de démocratie face à une population de moins
en moins encline à accepter la dictature d’un parti unique.
Les
tensions internes de la Chine sont ses talons d’Achille au développement de la
puissance sur le long terme que certains jugent inexorable. Cela pourrait
donner un avantage définitif au modèle américain. A moins que la Chine ne
réussisse à se libéraliser et intègre la communauté des pays démocratiques ce
qui ouvrirait la voie à une entente avec les Etats-Unis et, plus globalement au
règlement des différends autrement que par la confrontation.
Pour
le moment, ce n’est pas le chemin suivi par les autocrates de Pékin.
Alexandre
Vatimbella avec la rédaction de l’agence
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