En
1849, au Congrès de la paix, Victor Hugo déclarait du haut de la tribune, «un
jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d’Amérique
et les Etats-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main
par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie,
leurs arts, leurs génies».
Et
si cette vision du grand poète était leur avenir en ce XXI° siècle, presque
deux cents ans après qu’il l’ait formulée?
En
tous cas, même si l’Union européenne n’est pas (encore?) les Etats-Unis
d’Europe, c’est ce que pensent de plus en plus de responsables des deux rives
de l’Atlantique dans une mondialisation où les valeurs et les modes de vie
occidentales doivent être renforcées, à la fois, pour permettre à l’Europe et
l’Amérique du Nord de continuer à être ce berceau de la démocratie républicaine
mais également pour qu’elles continuent à être le phare qui inspire tous ceux
qui rêvent de liberté, d’égalité et de fraternité dans le monde.
Mais,
et il s’agit d’un point crucial, c’est également ce que souhaite une majorité
d’Européens et d’Américains comme le montre de récents sondages. Ainsi, 58% des
Américains souhaitent une augmentation des échanges commerciaux entre l’Europe
et les Etats-Unis selon le Pew Research center. De même, selon une étude du Marshall
fund, 75% des Italiens, 65% des Britanniques, 58% des Français ou 57 % des
Allemands croient en un approfondissement des liens commerciaux et d’investissements
entre les deux rives de l’Atlantique, sentiment partagé par 63% des Américains.
Et une majorité encore plus forte (82% en France et 76% aux Etats-Unis, par
exemple), sont en faveur d’une harmonisation des règlements entre l’Europe et l’Amérique
sur les biens et les services.
En
outre, cette union permettrait aux Etats-Unis de compter un partenaire solide
et à l’Europe de se réinventer enfin dans cette relation bilatérale.
Ce
rapprochement pourrait donc prendre, comme l’a proposé Barack Obama, d’abord la
forme d’une vaste zone de libre-échange représentant 5.000 milliards de dollars.
Sa proposition de mettre en place une «association totale en matière commerciale
et financière» entre les Etats-Unis et l’Europe est appuyée par les milieux des
affaires et les entreprises dans tous les pays visés par celle-ci et a été
accueillie avec un énorme intérêt par l’ensemble des gouvernements concernés
même si les points de vue des deux côtés de l’Atlantique doivent être
rapprochés pour dissiper les inquiétudes et les malentendus (notamment en
matière de biens culturels ou de produits agricoles).
Pour
autant, les officiels de Bruxelles se sont saisis du dossier et veulent avancer
le plus rapidement possible afin d’aboutir dans les deux ou trois ans à venir.
Cette
zone serait évidemment une puissante dynamique pour la croissance au moment où
les pays occidentaux souffrent d’une croissance trop faible voire d’une
croissance zéro quand ce n’est pas d’une récession qui touche désormais la
France.
Mais
elle dépasserait évidemment le simple caractère économique et commercial en
ayant une forte signification politique.
Elle
enverrait ainsi un signal fort au reste de la planète d’une communauté
occidentale revitalisée autour de ses liens économiques et commerciaux mais
aussi de ses liens culturels, de ses valeurs ou de sa vision du monde capable
de protéger et de faire progresser son modèle de civilisation.
Quand
on sait que les grands pays émergents, notamment ceux d’Asie mais pas seulement
eux, deviennent de plus en plus puissants, cette union Europe-Amérique est une
nécessité pour les deux entités, même si les Etats-Unis regardent aussi et de
plus en plus vers le Pacifique.
Cependant,
ce n’est pas dans cette zone devenue cruciale pour eux (et pour le monde) qu’ils
trouveront des alliés avec autant de points communs que les Européens et ils le
savent, la proposition d’Obama en étant une preuve, lui que l’on dit, pourtant,
peu intéressé par le vieux continent.
Reste
à savoir si la volonté politique qui s’est faite jour grâce au président
américain pourra éviter les nombreux écueils et chausse-trappes d’une pratique
politicienne étriquée et d’un manque de courage des peuples concernés.
Pour
pouvoir compter au XXI° siècle, pour pouvoir être pris au sérieux par les
Etats-Unis, les pays européens n’ont qu’un moyen s’unir. Et au moment où les
Etats-Unis leur proposent une zone de libre-échange qui pourrait déboucher sur
une communauté euro-américaine, les pays européens sont devant leurs
responsabilités.
«Il
n’y a qu’une voie de salut et c’est l’Europe» déclarait l’Européen convaincu qu’était
Jean-Lecanuet en 1965. Près de cinquante ans après, il faut peut-être dire que
le salut est devenusmaintenant, dans cette ère de mondialisation et de
globalisation, une communauté euroaméricaine ou américanoeuropéenne, au choix.
Alexandre
Vatimbella
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