«Le
monde est assez grand pour satisfaire les aspirations à la croissance de nos
deux peuples» a dit le premier ministre indien Manmohan Singh en recevant le
premier ministre chinois Li Keqiang.
Il
y a quelques années, ce même Singh, en recevant le président chinois d’alors,
Hu Jintao, avait affirmé que si l’Inde et la Chine s’alliaient, ils
domineraient le monde.
Mais
de l’eau a coulé sous les ponts depuis cette affirmation un peu présomptueuse,
notamment parce qu’elle n’a jamais réellement reflété l’exacte situation des
relations entre les deux pays qui sont faites, tout autant, de méfiance
réciproque que d’obligation de coopérer ensemble.
Ainsi,
la visite du premier ministre chinois à New Dehli a donné lieu à des
déclarations de bonnes intentions qui ressemblent à toutes celles qui ont été
faites lors des rencontres au plus haut niveau qui ont jalonné les relations
sino-indiennes de cette dernière décennie.
On
parle de coopération, d’ouvertures réciproques des marchés, de résolution des
différends, notamment frontaliers, de l’avenir qui sera radieux pour les deux
pays, de l’appartenance commune au même club des grands pays émergents, le
Brics (qui regroupe également le Brésil, la Russie et l’Afrique du Sud).
Oui,
tout cela est écrit d’avance et on pourrait même concevoir un communiqué-type
que l’on publierait à chaque sommet sino-indien!
La
réalité est beaucoup plus compliquée et l’affirmation de Singh à Li, quoiqu’en
nette retrait par rapport à celle faite à Hu, pourrait même être d’un trop
grand idéalisme…
La
Chine veut dominer la région (et le monde) et pas question de partager avec l’Inde
où que ce soit.
L’inde,
de son côté, est trop faible économiquement parlant, pour se mesurer
actuellement avec la puissance commerciale de la Chine que ce soit dans le monde
mais, surtout, sur son marché intérieur (les relations commerciales bilatérales
de 67,8 milliards de dollars montrent un déséquilibre en faveur de la Chine de
40,8 milliards de dollars pour l’année fiscale indienne 2012-2013). D’où le
refus constant de la part de New Dehli d’un accord de libre-échange et même de
la réalisation d’infrastructures de transport modernes qui permettraient d’acheminer
plus facilement les produits bons marchés chinois sur le territoire indien…
Dès
lors, la relation de «confiance méfiante» va perdurer pour encore longtemps.
D’autant
que, contrairement à ce qu’affirme Manmohan Singh, il n’y en aura pas pour tout
le monde. Les développements de la Chine et de l’Inde sont concurrents, voire,
à terme, antinomiques sur les bases actuelles de l’économie mondiale et des
réserves de matières premières de la planète.
Heureusement,
le pire n’est pas toujours sûr et les progrès de l’innovation technologique
pourraient éviter la confrontation qui, au jour d’aujourd’hui, se profilent à
un horizon bien difficile à dater avec exactitude.
Et
cela, et les Chinois, et les Indiens, le savent pertinemment…
Louis-Jean
de Hesselin avec la rédaction de l’agence
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