Après le softpower à la chinoise, l’harmonie à la chinoise et
quelques autres concepts développés ces dernières années par les autorités
communistes pour donner du sens au formidable développement économique du pays
et à sa montée en puissance sur la scène internationale, voici désormais le «rêve
chinois» dont le moins que l’on puisse dire est qu’il mélange beaucoup de
choses et de paradoxes.
Il s’agit, en effet, de mettre en avant une destinée commune
à tous les Chinois au moment où la cohésion sociale du pays est en danger avec
les discours récurrents sur une Chine multiple et où les écarts de richesse engendrent
des inégalités sociales de plus en plus importantes sur fond de corruption.
Selon le professeur Zhang Taofu de l'université chinoise de
Fudan, «la Chine a dorénavant besoin d'autre chose, que ce soit une idée ou une
cause commune, pour continuer de soutenir le développement, et le rêve chinois
comble le vide».
Sauf que ce rêve n’est pas un nouveau concept, c’est juste,
en réalité, la nouvelle appellation de l’idéal communiste à la sauce chinoise…
Créé par la nouvelle administration, il a été mis en orbite
par le leader du PCC, Xi Jinping lui-même, dès sa prise de fonction, «nous
devons continuer nos efforts, pousser en avant avec une volonté inébranlable la
grande cause du socialisme à la chinoise et nous dévouer à la réalisation de
notre rêve du grand renouveau de la nation chinoise», a-t-il ainsi déclaré.
Car il s’agit bien, avant tout, de donner un nom séduisant
au retour de la Chine au premier plan mondial et à ses revendications multiples
qui l’accompagne après ses mésaventures lors de la fin de l’empire.
Immédiatement, les organes de propagande ont adoubé ce
nouveau terme ainsi que, plus symptomatique, les responsables de l’armée («Afin
de réaliser 'le rêve chinois', l'armée entière doit avoir une parfaite
compréhension de la signification de la défense nationale et de l'édification
militaire, et assumer activement la responsabilité de sauvegarder la souveraineté
et la sécurité nationale», indique une circulaire du Département politique
général de l'Armée populaire de Libération).
Pour expliciter tout cela, on a fait intervenir un peu
partout des «experts» affirmant qu’un grand pays comme la Chine se devait d’avoir
un rêve.
L’agence officielle Xinhua cite, par exemple, Kim Jin Ho, un
universitaire Sud-coréen, qui déclare qu’«une nation sans rêve ne pourra pas
survivre dans la compétition entre toutes les nations de la Terre. Si la Chine
veut faire la différence (...), elle se doit d'avoir un rêve et de le poursuivre
sans relâche».
Certains de ces derniers ont même été jusqu’à prétendre que
ce «rêve chinois» était exportable et pourrait inspirer d’autres peuples à
travers le monde.
Bien évidemment, on ne peut s’empêcher de faire un lien
entre ce «rêve chinois» et le «rêve américain».
La Chine a ainsi compris que devenir un des leaders
mondiaux, voire le premier d’entre eux dans quelques décennies, nécessitait d’avoir
une image forte et positive dans l’opinion publique mondiale.
De ce point de vue, le rêve américain a été d’une puissance
émotionnelle sans pareil pour faire des Etats-Unis une icône au cours des XIX°
et XX° siècles mais encore aujourd’hui, même si ce rêve est loin d’être
uniforme et même réalisable pour la plupart des Américains.
Mais promouvoir un «rêve chinois» décrété par une
administration bureaucratique et largement antidémocratique ne sera guère aisé au-delà
de ce que prône le PCC depuis Deng Xiaoping, «enrichissez-vous mais ne demandez
pas la liberté».
Les autorités communistes ont été très claires à ce sujet.
Il ne s’agit nullement d’un mouvement d’émancipation de l’individu mais bien de
la recherche du communisme par la fameuse «voie chinoise» (capitalisme et
autoritarisme).
De même, il parait évident que ce «rêve chinois» sera
désormais le terme utilisé lors de toutes les menées nationalistes, voire
impérialistes, chinoises.
A moins que, comme pour le softpower à la chinoise, il se
décrédibilise rapidement grâce à ceux-là mêmes qui tentent de le promouvoir…
Alexandre Vatimbella avec la rédaction de
LesNouveauxMondes.org
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