Le nouveau sommet des pays du Brics (Brésil, Russie, Inde,
Chine, Afrique du Sud) vient de s’ouvrir à Durban (Afrique du Sud).
Immédiatement, l’ensemble des participants ont expliqué
qu’il s’agissait d’un succès, d’un nouveau pas dans la constitution d’un vrai
club avec une vraie politique et de vraies perspectives de collaboration dans
tous les domaines.
Un discours lénifiant déjà entendu lors des précédents
sommets où des décisions importantes avaient été annoncées dont on attend
encore le début d’une mise en œuvre…
On sait que ce club est une constitution artificielle
(création par un économiste américain pour qualifier les pays émergents les
plus importants alors) de pays ayant, certes, des intérêts communs mais
également un nombre pratiquement infinis d’intérêts divergents comme la Chine
et l’Inde ou cette même Chine et la Russie (malgré la visite toute récente du
nouveau leader chinois Xi Jinping à Vladimir Poutine et aux bonnes résolutions
prises alors).
Sans oublier que le Brésil se méfie des Chinois et de leurs
produits à bas prix qui inondent son marché intérieur et détruisent son tissu
industriel.
Un phénomène qui touche aussi l’Afrique du Sud, comme tous
les autres pays du continent noir qui gouttent au néo-colonialisme chinois,
dont la présence au sein des Brics est incongrue économiquement parlant (mais
pas politiquement), nain parmi les géants.
Et puis, il y a cette fuite constante de responsabilité
internationale que tous ces pays pratiquent (peut-être à l’exception de l’Afrique
du Sud). Quant on voit les comportements de la Chine vis-à-vis de l’Iran ou du
Soudan, sans parler de ses problèmes territoriaux avec ses voisins, de l’Inde
vis-à-vis également de l’Iran ou lors de la crise libyenne, de la Russie avec,
entre autres, la crise syrienne et du Brésil, incapable de hisser sa diplomatie
à la hauteur de ses prétentions de leader des pays sud-américains, on a de quoi
être dubitatifs. D’autant que les membres du Brics revendiquent leur statut de
grande puissance quand cela les arrange et de pays en développement quand il s’agit
de cacher leurs pratiques irresponsables (notamment en matière
environnementale) derrière un statut de victime des pays avancés.
Tout cela fait beaucoup.
Peut-être que dans un avenir plus ou moins proche beaucoup
de différences seront aplanies entre les pays du Brics et que d’autres membres
en feront partie (l’Indonésie ou la Turquie, par exemple). Peut-être qu’il
deviendra alors une véritable force politique et économique dans la
mondialisation ce qui serait une bonne chose pour le monde, à la fois, tant en
matière de développement que de paix.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Bien sûr, les dirigeants des Brics ont tout intérêt à garder
ce club et à s’y afficher car pour beaucoup d’entre eux, cela leur permet
d’avoir un poids dans la mondialisation.
Pour la Chine cela lui permet de prétendre qu’elle a des
alliés; pour la Russie c’est le moyen de revivre l’ivresse de son ex-statut de
«superpuissance» au temps de la défunte URSS; pour l’Inde voilà une possibilité
de faire oublier son sous-développement criant que ne masquent même plus des
statistiques en berne; pour le Brésil c’est un moyen de revendiquer le
leadership en Amérique latine. Pour l’Afrique du Sud il s’agit d’une
opportunité tombée du ciel d’avoir une exposition médiatique sans commune mesure
avec la réalité de sa situation géopolitique, géoéconomique et géostratégique.
L’annonce de la mise sur pied d’une banque du développement
des Brics, sensée faire concurrence à la Banque mondiale est assez
symptomatique de ce jeu de dupes.
Ce n’est pas la première fois que les pays du Brics
affirment qu’elle est désormais définitivement lancée. Peut-être que, cette
fois-ci, ce sera la bonne. Cependant, les écueils qui font qu’elle n’est
toujours pas opérationnelle alors qu’elle aurait du l’être depuis au moins deux
ans vient de ce que la Chine la voit comme un instrument pour contrôler les
autres pays membres ainsi que les pays en développement (d’autant que la
contribution chinoise serait, à terme, la plus importante même si sa mise de
départ serait identique à celles des quatre autres membres) ce qui ne manque
pas d’inquiéter des pays comme l’Inde ou le Brésil, de ce que l’on a pas pu se
décider, entre autres, sur la localisation de son siège social (problème
éminemment politique), sur le nom et la nationalité de son gouverneur et sur
son champ d’intervention.
Bien sûr, Xi Jinping, Vladimir Poutine ou Jacob Zuma veulent
voir les Brics prendre de l’importance mais uniquement si cela sert les
intérêts de leurs pays respectifs et les leurs.
Les mois qui viennent seront à n’en pas douter intéressants
à suivre pour constater si le club des Brics parvient à surmonter sa faiblesse
actuelle et ses contradictions.
Sinon, rendez-vous l’année prochaine avec les mêmes
déclarations lénifiantes et les mêmes projets grandioses avec embrassades et
grands sourires…
Alexandre Vatimbella
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