Voilà donc un nouveau président des Etats-Unis qui,
physiquement, ressemble étrangement à celui qui vient d’accomplir un terme de
quatre ans, avec une voix et un sourire identiques, sans parler de la couleur
de sa peau mais qui, s’il sera mû par les mêmes valeurs et les mêmes principes,
s’il aura les mêmes objectifs politiques, n’aura pas le même comportement et la
même façon de gouverner que son prédécesseur.
Il ne sera pourtant pas le 45° président du pays mais plutôt
un 44° bis!
Oui, Le deuxième mandat d’Obama devrait être fort différent
du premier.
Plusieurs raisons militent pour cette thèse un peu étrange
au premier abord.
En 2008, Obama avait été élu comme le premier président
afro-américain et il avait gagné cette élection comme n’importe quel autre démocrate
y serait parvenu face à un candidat du Parti républicain complètement
discrédité par les huit années de présidence de Georges W Bush.
Les commentateurs avaient alors expliqué pendant la campagne
que n’importe quel âne (emblème des démocrates) devait gagner l’élection et
serait le prochain pensionnaire de la Maison blanche.
Les électeurs avaient, d’une part, fait l’histoire en
élisant un noir au poste suprême et, d’autre part, voulu solder l’ère «W» fait
de deux guerres, d’une manière de gouverner parfois discutable et d’une crise
économique et financière qui menaçait le pays d’une récession encore plus forte
que celle des années trente après le crash de Wall Street en 1929.
Mais, en 2013, Ils n’avaient donc plus aucune mission de ce
genre à accomplir.
Dès lors, la reconduction d’Obama à la tête du pays n’allait
pas de soi.
D’autant que si l’économie s’était améliorée, en particulier
dans la dernière année de son mandat, la croissance n’est toujours pas
mirifique.
De même, le pays n’est pas devenu «post-partisan» comme l’espérait
Obama, mais encore plus divisé du fait même que les républicains, par peur et
aussi par haine, se sont opposés systématiquement à lui pour éviter qu’il
réussisse sa présidence et que cela aboutisse effectivement à cette ère nouvelle
qui ne les relègue dans l’opposition pendant des décennies.
Certains commentateurs, certes moins nombreux qu’en 2008,
ont expliqué que, dans ces conditions, n’importe quel éléphant (emblème des
républicains) devaient gagner la présidentielle…
On connait la suite.
Barack Obama a fait mentir le pronostic et bien d’autres
prévisions du même type en étant réélu malgré ces handicaps et quelques autres
avec la majorité absolue du corps électoral.
Une des raisons principales est que les Américains l’aiment.
Mais il a également un bilan que les électeurs ont trouvé acceptable au vu des
circonstances difficiles qu’ont connues les Etats-Unis.
En outre, c’est vrai, peu d’entre eux, même beaucoup d’électeurs
républicains, pensaient que Mitt Romney avait la carrure pour occuper le Bureau
ovale…
Résultat, la situation est bien différente pour Barack Obama
aujourd’hui par rapport à 2008.
Il sait maintenant, avec soulagement, qu’il n’a pas été élu
uniquement comme une curiosité politique (le premier président noir), ni même
que grâce à la conjoncture politique (la haine de George W Bush) et économique
(crise économique et financière).
Sa réélection est de ce point de vue une libération.
C’est la raison pour laquelle il ne gouvernera pas de
manière identique lors de son second mandat et qu’il tentera beaucoup.
Passionné par l’Histoire, il veut y entrer, non seulement, comme un
président qui a réparé la machine USA mais également comme un leader qui a permis
la nécessaire métamorphose de cette nouvelle Amérique désormais majoritairement
métissée, lui permettant de demeurer la première puissance mondiale au XXI°
siècle.
Concrètement, cela signifie, par exemple, qu’il ne compte plus
faire de cadeaux exorbitants aux républicains comme il a été obligé d’en faire
au cours de son premier mandat, les deux premières années, parce qu’ils
voulaient les convaincre de voter des mesures consensuelles, les deux dernières
années, parce que ceux-ci avaient conquis la Chambre des représentants et qu’ils
bloquaient toutes ses initiatives pour en faire un «one term president» comme l’avait
claironné assez maladroitement dans les médias Mitch McConnell, le chef des
sénateurs républicains.
Cela signifie aussi qu’il se sent plus libre vis-à-vis de la
gauche du Parti démocrate qui n’a pas été, non plus, très tendre avec lui (elle
avait même, un temps, imaginé présenter un candidat contre lui lors des
primaires démocrates).
On devrait donc voir un président plus pugnace, plus
volontaire comme c’est déjà le cas avec sa croisade contre la vente des fusils
d’assaut et pour un contrôle plus important des armes à feu ou, comme on l’a
constaté, dans sa fermeté à ne pas céder au chantage des républicains lors des
négociations sur la résolution de la «fiscal cliff» puis sur le relèvement du
plafond de la dette (ce qui a été payant même si les deux problèmes ne sont pas
totalement réglés).
On a eu un nouvel aperçu de la détermination de Barack Obama
dans le discours qu’il a prononcé le jour de l’inauguration de son second
mandat, le 21 janvier dernier.
Certains n’ont pas hésité à le qualifier de déclaration de
guerre aux républicains et de très marqué à gauche, ce qui n’est le cas.
Il s’agit effectivement d’un discours volontariste et sans
compromission sur tout ce qu’Obama a promis depuis 2008 et sur la manière de
gouverner par et dans le consensus et le compromis mais certainement pas dans
le renoncement.
Il est bien sûr trop tôt pour savoir si ce «nouveau»
président réussira dans son entreprise qui ne s’annonce guère plus facile que
celle de son «prédécesseur».
En tout cas, on peut être sûr que Barack Obama ne compte pas
faire de la figuration et qu’il l’a fait savoir!
Alexandre Vatimbella
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