La Chine devrait devenir la
première puissance économique de la planète en 2016 selon une prévision de
l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Attendons
encore quatre ans pour savoir si celle-ci serait une réalité.
Pour l’instant, les dirigeants
chinois s’occupent de leur congrès, le dix-huitième du nom qui est celui de la
passation de pouvoir d’une génération (celle de Hu Jintao et de Wen Jiabao) à
une autre (celle de Xi Jinping et Li Keqiang qui remplaceront les premiers
nommés à la têtte du Parti communiste et de l’Etat).
Rien d’imprévu ne devrait
survenir dans le Palais du Peuple où se déroule cette réunion. Tout est prévu
et policé pour que cette transition se fasse sans accros.
Mais ce qui est intéressant pour
la Chine ainsi que pour le reste du monde, c’est que ce congrès intervient à un
moment-clé pour le pays tant en matière politique que sociale, économique,
sociétale et diplomatique.
- Politique: La démocratisation
de la Chine n’a guère avancé ces dix dernières années sous le règne de Hu
Jintao et Wen Jiabao. Et la population commence à trouver le temps long car,
comme prévu, le développement économique et la montée en puissance d’une classe
moyenne qui en a résulté, a produit une demande de démocratie et de liberté qui
n’a pas été prise en compte.
Pire, l’état de droit est encore
une notion très relative en Chine. Elle ne s’applique que quand les maîtres du
Parti communiste en ont envie ou à l’encontre des étrangers (notamment des
sociétés) pour leur mettre des bâtons dans les roues, voire les spolier…
Le petit peuple qui manifeste de
plus en plus son mécontentement et continue à pétitionner (une pratique
ancestrale), n’a pratiquement aucune chance de se faire entendre sauf cas
rarissimes et souvent parce que le pouvoir n’a pas pu étouffer ces derniers à
temps.
De leur côté, nombre de ceux qui
ont profité de l’expansion économique pour faire fortune quittent ou veulent
quitter la Chine pour s’installer dans des pays où la stabilité politique et
juridique leur permettra de vivre en sécurité avec leur famille.
Va-t-on vers une libéralisation
du régime dans les cinq ou dix à venir avec Xi Jinping et les dirigeants qui
vont l’entourer au bureau politique du PCC? Bien malin qui pourra répondre avec
exactitude car toutes les thèses circulent à ce sujet, d’une vraie
démocratisation à une fermeture encore plus forte!
- Economique: L’économie chinoise
va-t-elle s’effondrer sous le poids des problèmes structurels et de ses
dysfonctionnements graves ou va-t-elle être capable de repartir de plus belle,
c’est l’interrogation numéro un en ce moment.
Tout concoure à penser que le
système productif chinois est à bout de souffle et n’est maintenu en l’état que
par des dépenses publiques et des crédits aux grandes entreprises d’Etat.
Pourtant, la croissance demeure
forte, les exportations ont l’air de repartir et un certain nombre
d’indicateurs économiques semblent s’améliorer en cette fin 2012.
Evidemment, les statistiques
chinoises sont peu crédibles mais la situation ne parait pas aussi
catastrophique que le disent nombre d’experts.
Est-ce une rémission avant une
chute encore plus forte, la question est posée quand on regarde l’endettement
des provinces, les crédits bancaires qui ne seront jamais remboursés, les
dépenses inutiles en infrastructure de l’Etat pour soutenir la machine
économique, le marché immobilier qui continue à tanguer et une consommation
intérieure qui n’est pas à la hauteur des espoirs des économistes.
- Social: Le climat social de la
Chine est inquiétant et l’on est loin de l’«harmonie sociale» souhaitée par le
PCC mais il ne semble pas pour autant que l’on soit proche d’une explosion
sociale comme le redoutent les dirigeants et certains analystes.
Certes, les chefs du PCC lisent
et relisent «L’Ancien régime et la Révolution» d’Alexis de Tocqueville pour
comprendre comment un système fermé et incapable de se réformer pour prendre en
compte les désidératas de sa population a engendré une révolution aussi forte
mais l’effondrement n’est pas un scénario à court terme.
En revanche, la montée constante
des inégalités, toutefois tempérée ces derniers temps par des hausses de salaires
importantes, ne pourra par continuer de la sorte indéfiniment.
Comme la corruption à tous les
niveaux de l’Etat et du Parti communiste qui engendrent des ressentiments et
une colère puissante dans la population même si celle-ci est, pour l’instant, plus
fataliste que prête à prendre des Bastilles.
- Sociétal: C’est certainement
dans ce domaine que les Chinois sont le plus satisfait. La société civile
chinoise se développe de manière assez libérale et permet, quand on ne
s’aventure pas sur le terrain politique, de vivre sa vie plus ou moins comme on
veut et de bénéficier de nombreuses opportunités.
Reste que plus la société
avancera, plus ses membres auront des demandes qui iront de pair avec une
libéralisation politique. C’est là le danger pour le pouvoir autoritaire de
Pékin.
- Diplomatique: La politique de
«gros bras» de la Chine vis-à-vis de ses voisins et ses accès de nervosité et
d’agressivité ont terni énormément son image dans le monde entier, faisant de
la volonté affichée de Pékin de mettre en avant prioritairement son soft power
une illusion à laquelle plus personne ne croît sérieusement.
La constante augmentation du
budget militaire n’est pas fait, non plus, pour calmer les inquiétudes de pays
comme l’Inde, le Japon, le Vietnam, les Philippines et quelques autres qui se
tournent vers les Etats-Unis pour endiguer la montée en puissance de l’arsenal
chinois.
En outre, que ce soit en Afrique,
en Amérique latine ou ailleurs, plus personne ne se fait d’illusions sur la
volonté de la Chine de défendre avant tout ses propres intérêts et non ceux de
pays en développement ou émergents comme une grande sœur.
Après ce tour d’horizon rapide,
il est évident que la Chine est devant des choix importants pour son avenir. Y
aura-t-il un dirigeant qui sera le Deng Xiaoping de la libéralisation politique
intelligente? Peu de personnes pensent que Xi Jinping, le nouveau numéro un du
pays sera celui-là. Si cette prédiction s’avère juste, alors la Chine va encore
prendre du retard dans ce domaine là pendant dix ans (les deux mandats de cinq
ans qui sont généralement donnés au secrétaire général du Parti communiste et
président de la république).
A moins que des événements
précipitent le cours de l’Histoire…
Alexandre Vatimbella
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