La panne d’électricité géante qu’a
connue récemment l’Inde est tout sauf anecdotique ou «accidentelle» comme le
savent bien, non seulement, les spécialistes du pays mais aussi toute la classe
politique indienne dont l’ensemble du gouvernement du Premier ministre Manmohan
Singh.
Avec un réseau vétuste, des
branchements sauvages avec des détournements énormes, une électricité largement
subventionnée avec des tarifs beaucoup trop bas voire une gratuité «politicienne»
dans certains Etats et un secteur incapable de se moderniser, cette panne est
représentative, à la fois, de défis que l’Inde doit relever et de son statut de
«grand» pays émergent dont les fondations sont encore très loin d’être solides.
Depuis longtemps intellectuels et
experts indiens lucides répètent à qui veut bien les entendre que leur pays est
encore, à beaucoup de points de vue, totalement sous-développé et que l’émergence
d’une classe moyenne est un écran de fumé dressé par les pouvoirs publics permettant
de cacher une pauvreté extrême qui fait qu’une partie de la population ne mange
toujours pas à sa faim.
Toutes les grandes tentatives de
moderniser réellement les règles du jeu politiques, économiques ou sociales se
sont heurtées jusqu’à présent à une résistance farouche de tous ceux qui
profitent du système, qui en font un des plus corrompus et un des plus arriérés
avec une dimension clientéliste qui empêche les réformes obligatoires.
A chaque élection, les grands
partis indiens promettent tout et n’importe quoi pour séduire l’électorat et,
pire, les petites formations, voire les groupuscules, qui sont bien implantés
dans certains Etats de l’union et qui monnayent au prix fort leur ralliement
pour faire une majorité au Parlement avec des postes ministériels et, surtout,
la protection de leur électorat au détriment du développement du pays tout
entier.
Résultat, alors qu’il faudrait
une croissance de 10% pendant plusieurs selon les dires mêmes du Premier
ministre pour assurer la sortie progressive de toute la population de la pauvreté,
celle-ci n’est jamais parvenue à dépasser les 9% et tombera cette année autour
de 6%, voire en-dessous.
Dans le même temps, en
subventionnant à tout va et en laissant le tissu économique dans l’archaïsme,
les comptes publics sont plombés par un important déficit qui se traduit par
une monnaie faible et une crainte des investisseurs étrangers qui, en plus, ne
sont pas toujours les bienvenus!
L’Inde a du pain sur la planche d’autant
que sa voisine dont elle admire autant la réussite qu’elle craint la montée en
puissance, la Chine, commence à la concurrencer sur son propre terrain d’excellence,
l’outsourcing, l’accueil des entreprises de services du monde entier.
Alexandre Vatimbella & Louis-Jean
de Hesselin
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