«La République populaire du scandale»; «Le modèle économique
chinois miné de l’intérieur»; «Le miracle chinois est-il menacé?»; «Les
faiblesses de la Chine révélées au grand jour»; «Mer de Chine, une nouvelle
zone à hauts risques»; «Séries noires chez les princes rouges».
Les récents et nombreux titres de la presse occidentale sur
la situation de la Chine sont sans équivoques.
Oui, la Chine est à un tournant de son histoire et, surtout,
de son exceptionnel développement économique commencé depuis plus de trente ans.
Cela ne veut pas dire que la situation économique, sociale,
politique ou internationale du pays va forcément aboutir à une implosion du
fameux «modèle chinois» sur lequel de nombreux dangers planent.
Un modèle que ses propagandistes zélés nous avaient vendu
pendant des années comme insubmersible et nouveau paradigme mondial, allant
même jusqu’à recommander que les pays avancés s’en inspirent.
Au vu des défis que la Chine doit relever, ce modèle va
devoir se réformer en profondeur pour éviter de se disloquer.
Les dirigeants chinois vont devoir trouver rapidement des
solutions afin de permettre au pays de continuer à se développer.
Une exigence puisque, malgré son rang de deuxième puissance
économique, la Chine est encore loin de pouvoir assurer le bien être à toute sa
population dont une grande partie demeure en-dessous du seuil de pauvreté.
L’incapacité actuelle de Parti communiste de s’atteler à
cette tâche urgente augure mal des résolutions positives de ces défis.
Ces dangers peuvent être classés en six catégories
principales: ceux qui ressortent de la géopolitique, de le géoéconomie, de la géostratégie,
de l’économie, du social, du politique et de l’environnement.
- Les dangers géopolitiques: les Chinois, ou, en tout cas,
le Parti communiste chinois, ne se sont-ils pas vu trop beaux et trop
puissants, trop vite?
Ils ont développé ce fameux hubris, concept anglo-saxon qui
exprime le sentiment de toute puissance d’un pays ou d’une civilisation et qui
recèle en lui de terribles dangers et déconvenues lorsqu’il n’est pas contrôlé.
Aujourd’hui, à part quelques régimes dictatoriaux, peu de
pays ont une confiance dans une Chine loin de véhiculer une image consensuelle
et pacifique.
En Asie, tous ses proches voisins, de l’Inde au Japon en
passant par les Philippines, le Vietnam ou la Russie, sont en alerte devant les
provocations répétées des Chinois en matière de revendications territoriales et
maritimes.
Le tout étant accompagné d’un discours nationaliste et
martial qui n’est pas très rassurant même si les spécialistes estiment que la
Chine n’a pas l’intention, à court terme, d’utiliser la force pour faire
respecter ce qu’elle estime être ses droits, souvent à l’encontre des règles
internationales en la matière.
- Les dangers géoéconomiques: la Chine s’est développée sur
le dos des Etats-Unis, du Japon et des pays européens mais aussi en bloquant ou
retardant le développement économique de certains pays en développement en se
servant de leurs matières premières et en empêchant leur décollage économique
en inondant leurs marchés domestiques de ses produits à bas prix..
En Afrique, les populations, d’abord dans une espérance d’un
vrai partenariat équitable, voient désormais dans les agissements des
entreprises chinoises des pratiques néocolonialistes et un pillage sans
vergogne de leurs matières premières ainsi qu’un accaparement de leurs terres
arables.
En Amérique, la plupart des pays d’Amérique latine, Brésil
en tête, s’inquiètent du déséquilibre des échanges économiques et des produits
chinois à bas prix qui tuent leurs petites entreprises et leurs artisans.
Même chose en Asie, où l’Inde ne peut se résoudre à signer
un accord de libre-échange avec la Chine de peur d’être inondée par ses produits
bas de gamme qui mettraient à mal son tissu entrepreneurial.
En Europe, l’Union européenne en a plus qu’assez de se faire
rouler dans la farine par des pratiques illicites des Chinois et veut mettre en
place des barrières aux importations venues de Chine tant celle-ci ne respecte
pratiquement aucune règle du commerce international malgré son adhésion à l’OMC
(Organisation mondiale du commerce) et jusqu’à ce que cette dernière accepte l’ouverture
de ses marchés publics aux entreprises étrangères.
- Les dangers géostratégiques: les besoins de matières
premières pour développer son économie et d’alliés pour défendre sa position au
niveau international sont les deux axes prioritaires de la politique étrangère
chinoise.
En conséquence ce quoi, la Chine navigue à vue et s’allie
avec les régimes les plus honnis de la planète comme celui des mollahs en Iran,
celui de Chavez au Venezuela, celui de Bachir au Soudan ou de Mugabe au
Zimbabwe. Avant de le lâcher, elle a soutenu Kadhafi en Libye et elle reste en
bons termes avec Assad en Syrie.
Les Etats-Unis qui fondaient beaucoup d’espoir sur une
relation privilégiée avec la Chine, sont de plus en plus réservés sur la
capacité de celle-ci à développer un vrai partenariat stratégique avec eux et,
surtout, à prendre ses responsabilités de grande puissance.
Une critique sur l’irresponsabilité chinoise qui est
partagée par les Européens mais aussi par bien d’autres pays.
En matières géopolitique, géoéconomique ou géostratégique,
les «partenaires» de la Chine savent désormais que «les échanges et la bonne
compréhension ne passent que par les rapports de force» comme le dit si bien Valérie
Niquet, responsable du Pôle Asie à la Fondation pour la rechercher stratégique.
- Les dangers économiques: la Chine connait un ralentissement
économique mais, pire, des déséquilibres structurels et des failles béantes
qu’elle pourrait payer cash. Sa croissance est toujours tournée vers le «modèle
japonais» de la production pour l’exportation (que le Japon mis en œuvre au
sortir de sa défaite de 1945) alors qu’elle doit absolument développer son marché
intérieur pour pérenniser son développement.
Ses entreprises d’Etat sont toujours aussi peu
concurrentielles et ne vivent que grâce aux milliards de dollars de subventions
déguisés en prêts qu’elles engloutissent et qui ne seront jamais recouvrés par
un secteur financier aux ordres des responsables communistes nationaux et
locaux et qui pourrait bien s’effondrer, surtout si le secteur immobilier
continue à s’enfoncer dans la crise.
Sans oublier les difficultés toujours aussi grandes pour les
entrepreneurs privés de pouvoir développer leurs activités en toute liberté et
sans que le pouvoir communiste ne tentent de mettre la main sur les entreprises
les plus juteuses.
- Les dangers sociaux: à force d’avoir favorisé les riches
et notamment les membres du Parti communiste qui se sont enrichis de manière éhontée
et d’avoir profité d’une main d’œuvre abondante et bon marché, réprimée à
chaque demande sociale, même la plus légitime, le pouvoir est aujourd’hui assis
sur une poudrière qui menace d’exploser à tout moment.
Il a beau augmenter les salaires (sous la pression des
travailleurs) ou mettre en place un mince filet de protection sociale, il ne
parvient pas à rééquilibrer la société chinoise qui est devenue une des plus
inégalitaires du monde.
- Les dangers politiques: oui, malgré les soi-disant «différences
culturelles», les Chinois rêvent de la même démocratie que l’on connait dans
les pays occidentaux comme l’a montré un récent sondage publié dans un
quotidien.
Et le musèlement systématique de la parole libre, que ce
soit dans la presse, dans la rue ou sur internet, sont bien la preuve de la
grande peur des autorités face à une demande de plus en plus prégnante et à
laquelle il ne répond que par la force comme l’ont montré les récentes affaires
concernant l’artiste Ai Weiwei ou l’avocat des «sans voix», Chen Guangcheng.
Cela n’empêche pas la société civile de trouver des moyens
de plus en plus sophistiqués pour contourner la censure.
Mais les nuages les plus sombres dans ce domaine viennent
actuellement de l’intérieur même du Parti communiste où les luttes intestines
pour le pouvoir sur fond de corruption, de passe-droits, d’enrichissement
indécent et de pratiques claniques ont été, une nouvelle fois, mises à jour
avec le scandale Bo Xilai, ce dirigeant de la région de Chengdu dont les
agissements relèvent plutôt de la rubrique criminelle et mafieuse que de celle
de la politique.
Mais il n’est pas le seul dans ce cas, loin de là, et le
coup de balaie salutaire ne semble pas être pour demain malgré un courant
réformateur dans les instances dirigeantes qui se heurtent pour l’instant à l’opposition
des conservateurs.
Le Parti communiste n’a bien sûr de communiste que le nom et
la pratique totalitaire.
Comme le dit Kenneth Liberthal de la Brookings Institution, «Si
le Parti communiste chinois était nommé ce qu’il est réellement, il serait
appelé le Parti bureaucratique capitaliste chinois»…
- Les dangers écologiques: La Chine est le pays le plus
pollué de la planète. On estime que 80% des cours d’eau sont pollués sans
compter nombre de lacs et de nappes phréatiques. De même, nombre terres
agricoles ne peuvent plus être cultivées car trop contaminées. L’air des
grandes villes, tel celui de la capitale, Pékin, est irrespirable. Et les
mesures prises pour enrayer ces phénomènes sont dérisoires.
D’autres bombes à retardement sont également tout aussi
redoutables.
Comme celle du vieillissement à grande vitesse de la
population qui va poser de sérieux problèmes dans les années à venir, tant au
niveau d’un tarissement d’une main d’œuvre abondante que du financement des
retraites.
Mais le challenge le plus important dans ce domaine sera, à
partir de 2030, de faire appel à une main d’œuvre étrangère.
Comment seront reçus ces immigrés dans un pays qui n’est pas
réputé pour le bon accueil des étrangers? Voilà qui sera un nouveau challenge
et pas le moindre.
Oui, le «modèle chinois» a vraiment du plomb dans l’aile.
La Chine doit réagir rapidement et avec responsabilité à
tous ces défis.
Rien n’est évidemment joué mais une chose est sûre, l’écroulement
de l’Empire du Milieu serait une catastrophe qui dépasserait de beaucoup ses
frontières.
Alexandre Vatimbella
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