Tout le monde sait qu’un monde
sans règles est impossible à gérer. De même de toutes les activités humaines.
Même la liberté n’est une vraie liberté que si elle comporte des règles qui
consistent à respecter celle des autres.
Aucune personne normalement
constituée ne peut prétendre le contraire à moins d’être un nihiliste ou un
partisan d’une nature arbitre d’une lutte pour la survie entre tous les
habitants de la planète où seuls les plus forts et les plus malins gagnent.
Heureusement, les civilisations
ont montré que les êtres humains avaient choisi de suivre un chemin différent,
celui qui leur permet de mettre en avant leurs talents de bâtisseurs et les éloignent
de leurs pulsions destructrices.
C’est bien évidemment également
le cas pour l’économie en général.
Ceux qui prétendent que
l’économie de marché ne peut être qu’une jungle où le plus fort gagne toujours
n’ont rien compris aux théories libérales des Smith, Locke et autres.
Seules des règles équitables pour
tous organisant le marché afin que celui-ci soit le plus libre et le plus
concurrentiel permettent le fonctionnement le plus efficace de l’économie. Il
faut que la compétition qui crée les richesses soit loyale.
Alors, lorsque l’on parle d’une
mondialisation régulée, rien de plus normal. Même s’il s’agit d’une
globalisation libérale.
Celle-ci est un processus
économique à la fois technique (de rationalisation de la production et des
coûts) et commercial (d’échanges de marchandises et de services) qui produit de
la richesse en-dehors de toute règle morale ou d’équité. Mais pas de
fonctionnement.
Une mondialisation sans règle
n’est qu’une jungle où seuls les plus forts et les plus malins sont les
gagnants, pas les meilleurs.
Tout cela passe par une
mondialisation loyale.
Ce caractère loyal n’est pas
nouveau. La théorie économique dit bien qu’une vraie économie de marché
nécessite une concurrence effective et loyale. Cela veut dire, notamment, que
les marchés doivent être transparents et que l’information y circule également
pour tous, que l’accès aux marchés soit libre, qu’il n’y ait pas de positions
dominantes.
Bien évidemment, cet état
économique n’existe «naturellement» dans aucun pays. Il faut donc que des
règles soient posées et qu’elles soient respectées et donc qu’il y ait des
contrôles de ce respect par les acteurs économiques.
Comme l’explique Michel Didier
dans son ouvrage «Economie, les règles du jeu», «le laisser faire économique
conduit rarement à la concurrence franche et loyale des manuels d’économie.
Dans la lutte pour la survie économique, tous les moyens sont bons pour
éliminer les concurrents et dominer le marché, au besoin par la force et –
pourquoi pas? – en se protégeant derrière des barrières et des réglementations».
C’est tout le challenge de tous
ceux qui estiment qu’il faut mettre en place ce genre de règles, au plus vite,
dans la globalisation économique pour la rendre loyale (ce qu’elle n’a jamais
été que ce soit au XXI° siècle mais aussi au XIX° siècle ou au XX° siècle).
Dans leur récent rapport au gouvernement, «En finir avec la
mondialisation déloyale», Yvon Jacob et Serge Guillon expliquent que «les
pratiques déloyales en matière de production et d’échange sont des sources de
déséquilibres graves qui peuvent prendre un caractère systémique pour
l’économie mondiale».
Selon eux, «instrument de conquête ou de protection des
marchés pour certains pays, la concurrence déloyale se développe».
C’est un constat que tout observateur de la globalisation
économique peut faire depuis des années.
Celui est aujourd’hui repris par les politiques des pays
avancés qui expriment un ras-le-bol de leurs populations qui demandent que tout
le monde, pays émergents et pays en développement, en particulier, évidemment,
la Chine, respectent les mêmes règles.
Peut-on, en effet, accepter que
ceux qui sont en retard de développement s’assoient sur les règles communes du
commerce international? Surtout, quand ces pays rattrapent les autres, peuvent-ils
encore arguer d’un retard de moins en moins important pour justifier leurs
manquements?
Quand la Chine devient la
deuxième puissance économique mondiale, peut-elle encore s’exonérer du respect
des règles au motif qu’une partie de sa population est toujours très pauvre
alors que ses pratiques déloyales appauvrissent des populations dans d’autres
pays?
Comme l’écrit le rapport, «la gravité de la situation a
toutefois permis de réaffirmer récemment l’importance du principe de réciprocité,
c’est-à-dire de l’octroi de concessions en échange de contreparties
équivalentes. Ce principe très ancien est l’un des fondements du système
multilatéral».
Reste, bien sûr, à le mettre en pratique dans les faits.
Comme, par exemple, ouvrir les marchés publics européens qu’aux
entreprises dont les pays font de même avec les entreprises européennes. Donc,
en exclure la Chine actuellement.
Toutefois, il semble bien que l’ère d’une mondialisation
débridée touche à sa fin.
Les résistances seront malgré tout fortes mais on ne voit
pas comment les gouvernements des pays avancés pourraient renoncer à ce qui est
un préalable incontournable à un retour d’une vraie croissance pour leurs
économies.
Ce que Yvon Jacob et Serge Guillon traduisent par cette
formule, «La régulation économique et commerciale est aujourd’hui un enjeu
aussi important que la régulation financière».
Pour les populations du monde et plus particulièrement
celles des pays avancés (mais cela concernera, tôt ou tard, celles des grands
pays émergents alors que de nouveaux acteurs «low cost» comme le Vietnam
apparaissent), la mondialisation doit être loyale pour être légitime.
Elle doit obéir à des règles communes, être honnête et
équitable. Vaste programme mais indispensable afin d’éviter que les pays ne se
renferment sur eux-mêmes derrière un protectionnisme encore plus dévastateur. Une
situation qui engendre souvent des comportements violents.
Alexandre Vatimbella
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