Comment faire pour éviter qu’une forte croissance fasse déraper les prix? Tel est la question lancinante, voire obsédante, qui se pose aux autorités indiennes depuis toujours.
Dès que la hausse du PIB est forte, l’inflation suit, mécaniquement. Et dès que le gouvernement prend des mesures pour endiguer la hausse des prix, cela se traduit par un ralentissement de la croissance.
Evidemment, les raisons sont connues. des infrastructures largement déficientes font que le pays est incapable de répondre à une augmentation de la consommation lorsque la croissance rebondit grâce à un crédit peu cher, ce qui se traduit alors par une inflation devant la rareté de l’offre qui s’instaure par rapport à la demande.
Les solutions sont aussi connues. Il faut réformer les circuits économiques, notamment ceux de la distribution et lancer de vastes programmes de constructions et d’élaborations d’infrastructures.
Si la volonté publique ne manque pas en ce qui concerne les infrastructures, le pays est vraiment très en retard en la matière.
Mais, pour ce qui est des réformes des circuits économiques, le poids des lobbies et de la société indienne font systématiquement reculer tous les gouvernements.
On en a eu la preuve récemment où, après avoir annoncé en grande pompe que les grands distributeurs étrangers auraient le droit de s’établir sur le sol indien, le Premier ministre Manmohan Singh a fait, une nouvelle fois, machine arrière devant la levée de bouclier qui s’en est suivi.
Il faut dire que les petits commerces sont de grands pourvoyeurs d’emplois pour les plus pauvres, même si ces derniers auraient tout à gagner avec la baisse des prix, notamment dans le secteur alimentaire, avec l’arrivée des Wal Mart et autres Carrefour.
Dans ce contexte, la décision que vient de prendre la Banque de réserve (la banque centrale) indienne est assez surprenante. Alors que la hausse des prix a été plus forte que prévue et demeure élevée (6,89% sur un an en mars), elle a décidé de baisser son taux de référence d’un demi-point à 8%, ce qui est beaucoup plus important que ce que les experts prévoyaient.
L’idée est de relancer une croissance qui n’est pas assez forte pour assurer le développement du pays puisque la Banque de réserve table sur une hausse du PIB de 7,3%, le gouvernement sur un chiffre de 7,6%, la Banque asiatique de développement sur un chiffre de 7% et le FMI (Fond monétaire international) sur un chiffre de seulement 6,9%.
Rappelons que les espoirs de Manmohan Singh est de porter cette croissance à 10% dans les années à venir, un niveau qui, seul, sera à même de réduire de manière importante l’extrême pauvreté qui touche encore une majorité d’Indien. Mais, pour cela, il faut d’abord vaincre l’inflation…
Louis-Jean de Hesselin
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