La Cour suprême des Etats-Unis va devoir prendre une décision que certains qualifient déjà d’une des plus importantes de son histoire. Elle concerne la loi sur l’assurance maladie promise par Barack Obama lors de sa campagne et votée il y a tout juste deux ans par le Congrès.
Une loi qui a déchaîné les passions entre ceux qui la soutiennent bec et ongle et ceux qui la détestent au plus haut degré. On se rappelle que le mouvement populiste, proche des thèses d’extrême-droite, le Tea Party, a été créé pour s’opposer au «socialisme», au «communisme», au «national-socialisme» qu’est sensée représenter cette loi et son initiateur.
Car les arguments renvoient, non pas à l’économie comme on aurait pu le croire, mais à ce que sont les Etats-Unis et ce qu’ils peuvent devenir.
En effet, la plupart des spécialistes de l’économie de la santé sont d’accord pour dire qu’une loi générale sur l’assurance maladie va faire baisser les coûts astronomiques en la matière dans un pays qui est en tête pour les dépenses de santé.
Elle va permettre de rationaliser un système qui voit ses coûts s’envoler d’années en années tout en permettant d’avoir une population en meilleure santé, ce qui induit une meilleure productivité et un meilleur amortissement de l’investissement de la société sur chacun de ses membres.
Le clivage, le vrai, vient sur ce que représentent les Etats-Unis (même s’il ne faut pas se cacher la face, le lobby des assurances santé joue un grand rôle pour dénoncer cette loi qui rogne ses profits indécents).
Sont-ils la terre de la liberté absolue et de la responsabilité individuelle, auquel cas une loi obligeant les Américains à prendre une assurance viendrait à l’encontre de l’essence même de ce qu’est la nation américaine?
Ou bien sont-ils la terre où chacun peut s’élever socialement tout en bénéficiant de la solidarité de la communauté, auquel cas cette loi ne serait qu’une avancée nouvelle vers une société plus équilibrée et plus mature?
Sans oublier, évidemment, la dimension humaine avec les drames que les médias relatent souvent, de personnes décédées car n’ayant pas pu se faire soigner faute de moyens financiers. Pour les uns, c’est insupportable. Pour les autres, cela fait partie de la vie…
Les audiences de la Cour suprême qui se terminent aujourd'hui, ont duré plus longtemps que de coutume et ont été plus largement diffusées dans les médias que d’habitude en attendant une décision qui devrait intervenir entre mai et juillet prochains.
Peut-on dire de quel côté va pencher les neuf juges de la Cour suprême. Si l’on se fie à leurs étiquettes politiques (qui reflètent souvent le nom et l’appartenance partisane du président qui les a nommés), il y a quatre conservateurs républicains et quatre progressistes démocrates plus un modéré qui vote plus souvent avec les premiers nommés qu’avec les seconds.
Cependant, d’autres variables interviennent. Une fois nommés, les membres de la Cour sont totalement indépendants dans leurs décisions d’autant qu’ils sont nommés à vie. Une bizarrerie dans une démocratie mais qui a été décidée pour leur donner le plus d’indépendance possible.
Parmi ces variables, il y a la volonté de dire réellement le droit et de bâtir un édifice qui a du sens, notamment de la part du président de la Cour. Celui-ci, John G Roberts, nommé par George W Bush est encore jeune (57 ans), ce qui lui permet d’avoir du temps pour élaborer une doctrine personnelle qui restera dans l’histoire et ne pas apparaître uniquement comme une créature d’un camp politique.
De même, il y a des juges qui sont pour un renforcement de l’Etat fédéral tandis que d’autres sont pour une garantie renforcée de l’autonomie des Etats fédérés. Et cette distinction traverse les attaches partisanes.
Reste que la décision sera hautement politique à quelques mois de la présidentielle. Cependant, de nombreux analystes affirment qu’elle ne jouera pas un rôle déterminant dans le choix du prochain président des Etats-Unis.
Ainsi, si l’économie continue à retrouver de la vigueur, l’annulation partielle ou totale de la loi ne devrait pas causer la défaite de Barack Obama. En revanche, les millions d’Américains qui ne peuvent se payer une assurance santé actuellement seraient, eux, les grands perdants.
Alexandre Vatimbella
© 2012 LesNouveauxMondes.org