Que ce soit dans le club des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ou dans l’OSC (organisation de coopération de Shanghai), les relations entre la Russie et la Chine ont plus à voir avec celles de deux pays qui s’observent et ne se font pas réellement confiance que celles de deux véritables alliés.
Le dossier très complet que publie la revue Monde Chinois dans son dernier numéro et intitulé «La Russie en Asie» est très clair à ce propos et les nombreux spécialistes qui se succèdent ne se font aucune illusion sur le caractère bancal de ce faux partenariat entre les deux ex-pays frères de l’ère flamboyante du communisme.
Bien sûr, l’on savait depuis longtemps que la Russie avait cherché des amis partout en Asie pour se prémunir de la menace chinoise, d’où les liens privilégiés avec l’Inde, par exemple, ou le Vietnam dans les années soixante-dix.
Reste que Moscou ne peut faire autrement que de tenter de bâtir une relation avec la Chine sur des bases solides. Il en va de sa présence en Asie et de sa capacité à contenir la montée en puissance de la Chine, non comme puissance asiatique mais comme superpuissance, statut qu’elle a chipé à feue l’Union soviétique…
Pour Aleksei Fenenko de l’Académie des sciences de Russie, «la situation actuelle de la Russie en Asie Pacifique se caractérise par deux traits principaux. La Russie a hérité des forces armées et du complexe militaro-industriel soviétiques, ce qui lui permet de demeurer formellement la deuxième puissance militaire en Asie après les Etats-Unis. Dans le même temps, la Russie n’a pratiquement aucune ressource politique monnayable».
C’est pourquoi, comme l’explique Isabelle Facon de Fondation pour la recherche stratégique que «tout en revendiquant sa position géographique ‘à cheval entre deux continents’ et son statut de très grande puissance, la Russie est curieusement restée en retrait de la scène politique, stratégique et économique asiatique».
Et si la Russie veut bâtir un «partenariat extensif avec la Chine», c’est bien, selon Valérie Niquet, directrice de recherche Asie à la même fondation, «l’ambiguïté plus que la confiance et le partenariat, qui caractérise les relations sino-russes. Moscou et Pékin partagent un seul véritable intérêt: la volonté de limiter la marge de manœuvre des Etats-Unis sur la scène internationale et dans leur environnement proche».
Car, ainsi que l’analyse Marlène Laruelle de l’université américaine George Washington, «l’entente sino-russe a reposé largement, de la chute de l’URSS jusqu’à aujourd’hui, sur un rejet commun du monde dit unipolaire sous domination américaine, et non sur un accord de fond. (…) Le jeu d’alliance entre les deux pays est par conséquent pragmatique, fonctionnel, et ne semble pas en tout cas appelé à se transformer en une alliance politique de long terme». Car le professeur de relations internationales est persuadé que les élites russes «ne sont pas prêtes à accepter la Chine comme modèle politique et culturel, ni à laisser leur pays devenir un satellite de Beijing».
Les années à venir seront, à ce titre, cruciales pour la Russie. Et celle-ci est tentée de se tourner, encore une fois, vers l’Occident pour la protéger de ses puissants «amis» asiatiques…
Alexandre Vatimbella
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La Russie en Asie / Monde Chinois numéro 28, Editions Choiseuls, 20 €