Les spécialistes s’affrontent sur qui, des Chinois ou des Indiens sortiront vainqueur de cette compétition virtuelle qui déterminera leurs avenirs respectifs et l’équilibre géopolitique et géoéconomique de l’Asie et du monde.
La comparaison Chine-Inde est un cas d’école passionnant et qui produit une littérature abondante. Rien que pour parler de parutions récentes, notons que le magazine américain Time a publié un dossier sur le sujet où, notamment, deux économistes, l’un en faveur de l’Inde, l’autre de la Chine, expliquaient pourquoi il voyait l’un des deux géants asiatiques remporter la virtuelle compétition qui les oppose (par la comparaison de leur atouts et leurs faiblesses qui, eux, ne sont pas virtuels).
C’est aussi ce que fait l’économiste indien et pris Nobel, Amartya Sen dans un texte très instructif à lire que l’on trouve dans la dernière livraison de la revue Futuribles (1). Intitulée «Inde/Chine: des progrès inégaux», le prix Nobel fait une comparaison du développement des deux pays et n’est guère tendre avec son pays natal.
Surtout, il avance une thèse selon laquelle, au-delà de la différence de croissance qui est actuellement plus forte en Chine, cette dernière l’utilise mieux que l’Inde pour améliorer la vie de ses concitoyens.
Dès lors, l’Inde ne doit pas faire l’impasse sur les programmes sociaux. «Ceux qui craignent, écrit-il, que les performances de croissance économique en Inde puissent pâtir d’un surcroît d’attention accordée aux ‘objectifs sociaux’ tels que l’éducation et les soins de santé, devraient prendre sérieusement en considération qu’en dépit de ces actions dans le domaine social et de leurs résultats, le taux de croissance de l’économie chinoise est encore nettement plus élevé que celui de l’Inde.»
Néanmoins, Amartya Sen estime que l’on ne peut pas tout ramener au taux de croissance pour juger du développement d’un pays et que son degré de démocratie est également un bien de première importance: «la liberté d’expression a une valeur en soi en tant qu’instrument potentiellement important de politique démocratique mais elle est aussi quelque chose que les populations apprécient et chérissent. Même les gens les plus pauvres veulent participer à la vie politique et sociale, et en Inde ils peuvent le faire».
Reste à savoir si l’Inde démocratique a un handicap rédhibitoire face à la Chine autoritaire. Armatya Sen ne le pense pas même si les défis à relever sont immenses. Ainsi, s’interroge-t-il, «le système politique démocratique de l’Inde est-il capable de remédier à l’insuffisante attention portée aux services publics tels que les soins de santé? C’est l’une des questions les plus urgentes auxquelles le pays doive faire face».
L’important, selon lui, pour remédier au retard de l’Inde est de «comprendre plus pleinement les conditions de vie réelles de la masse des Indiens laissés à l’abandon». Pour cela «les actions de politiques publiques que l’on peut entreprendre pour améliorer leur vie, devrait être une question centrale la vie politique en Inde».
Mais, quoiqu’il en soit, la démocratie ne peut en être tenue responsable. Il s’agit plutôt du degré de responsabilité du personnel politique indien.
Alexandre Vatimbella
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(1) Futuribles, numéro 380, décembre 2011, 13 €