Avec l’idée de demander aux Chinois d’investir les énormes excédents de leur balance commerciale dans la zone euro, certains craignent que les Européens ne soient en train de faire entrer le loup dans la bergerie.
D’un point de vue technique, les Européens ont besoin de capitaux pour stabiliser la zone euro et les Chinois ont besoin de trouver des placements sûrs (autres que les bons du Trésor américain) pour placer leurs énormes excédents commerciaux provenant de leurs exportations.
De même, l’Europe a besoin de retrouver de la croissance, ce qu’elle ne pourra faire que si ses pays membres peuvent se sortir des énormes déficits de leurs finances publiques et la Chine a absolument besoin que son premier client, l’Union européenne, continue à lui acheter en masse ses produits pour nourrir sa croissance.
Dès lors, l’idée de faire appel à ces derniers par les pays de la zone euro et la volonté de la Chine de répondre positivement est une sorte de deal «gagnant-gagnant».
Sauf que cette intrusion de l’Empire du milieu dans l’Union européenne est bien un événement qui sera peut-être d’une portée historique. Rappelons qu’il ne s’agit que d’un souhait de l’Europe car rien de concret n’a été fait pour l’instant.
Néanmoins, il s’agit bien d’une présence bien encombrante de l’«ami» chinois dans la maison européenne. Car, évidemment, et même si aucune contrepartie n’était demandée par Pékin (ce qui semble peu probable), cela donnerait un pouvoir certain à la Chine sur l’Union européenne et chaque pays membre en particulier.
Car, Nicolas Sarkozy a beau prétendre que la zone euro peut s’en sortir sans les Chinois, que rien d’officiel ne leur a été demandé par les Européens et qu’il n’y a rien de mal à ce que leurs excédents s’investissent dans un fonds de stabilisation de l’euro, ceux-ci le faisant bien dans les bons du Trésor américain (c’est-à-dire permettant aux Etats-Unis de continuer à financer leur énorme déficit), il oublie de dire l’essentiel: les Américains n’ont jamais rien demandé à la Chine, ce qui n’est pas le cas des Européens qui font un appel du pied quasi-officiellement à celle-ci.
Cette différence est énorme. Et il faudra voir, dans les mois qui viennent, quelles en seront les conséquences.
D’une part, dans les concessions faites par l’Europe à la Chine (cette dernière se verra-t-elle enfin accordée le titre d’économie de marché que les Européens, tout comme les Américains, lui refusent depuis toujours pour excès de dirigisme).
D’autre part, dans la perte d’autonomie économique et politique (la Chine pouvant faire pression sur les politiques économiques et financières des Européens et ces derniers ne pouvant plus faire pression sur les abus des politiques économiques et financières chinoises).
Alors, oui, peut-être que l’Europe ne pouvait pas faire autrement qu’aller frapper à la porte de la Chine (et d’autres grands pays émergents) pour sauver la zone euro et se sauver du naufrage. Mais il est faux de dire que cela ne changera pas la donne mondiale si les Chinois deviennent les financiers des Européens. D’autant que, depuis plusieurs années, ils investissent également de plus en plus sur le Vieux continent, mettant la main sur quelques fleurons de son industrie.
Et cela ressemble bien à une mise sous tutelle…
Alexandre Vatimbella
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