Après l’accident du TGV Shanghai-Pékin qui a mi en évidence les problèmes techniques et, surtout, politiques du programme des chemins de fer, le gouvernement a décrété une pause.
Le gouvernement chinois a officiellement annoncé le gel de tout nouveau programme de lignes ferroviaires à grande vitesse et le réexamen de tous les projets en cours suite à une réunion présidée par le premier ministre, Wen Jiabao.
Cette double décision intervient après celle d’avoir limité la vitesse des TGV sur l’ensemble du réseau après la collision entre deux rames sur la ligne Shanghai-Pékin qui a fait quarante morts le 23 juillet dernier.
Il faut dire que la pression populaire a joué un rôle primordial dans ces décisions. Habitué à étouffer les affaires de ce genre, les autorités se sont retrouvées devant une fronde de l’opinion publique qui accepte de moins en moins les agissements délictueux de ses gouvernants.
Après avoir tenté de faire taire les médias, les internautes et les familles de victimes (dont 36 d’entre elles ont accepté, malgré tout, les indemnisations les empêchant de poursuivre l’Etat en justice), le gouvernement chinois a dû se rendre à l’évidence: le temps où Mao, paraphrasant les pires empereurs chinois, affirmait que la mort de millions de chinois n’avaient guère d’importance dans un pays surpeuplé s’il s’agissait de faire avancer la cause du Parti communiste, semble définitivement révolu. La valeur d’une vie humaine est désormais bien plus élevée, rejoignant celle attribuée dans les pays avancés.
De même, les Chinois sont de plus en plus nombreux à dire (avant, ils ne pouvaient que le penser…) qu’il est inacceptable que leur sécurité soit mise en cause par des officiels corrompus qui acceptent de se remplir les poches mais aussi par ceux qui font tout pour faire mousser leur travail en vue de promotions au sein de l’appareil.
Car le scandale de l’accident de Whenzou est bien triple.
Une construction effrénée de lignes ferroviaires à grande vitesse au mépris de la sécurité pour montrer que la Chine peut fabriquer des trains à grande vitesse qui vont plus vite que ceux des pays occidentaux, sont aussi fiables qu’eux et avec un réseau qui est le plus vaste au monde.
Une volonté du ministre des chemins de fer de montrer ses capacités dans la réalisation de ce programme titanesque afin de monter plus rapidement dans la hiérarchie du parti (dans les provinces, ce sont les résultats économiques – dont le taux de croissance - qui permettent de booster une carrière, d’où le maquillage des statistiques…).
Une corruption organisée par les hauts fonctionnaires de ce ministère pour se remplir les poches.
Ainsi, au-delà de l’accident lui-même et de son terrible bilan humain, c’est bien le modèle chinois de développement qui est de plus en plus remis en cause par la population qui en bénéficie le plus, la classe moyenne urbaine. Oui, dit-elle, à la croissance mais pas n’importe comment.
D’où cette mobilisation au sein du Parti communiste et du gouvernement pour ne pas laisser ce déraillement ferroviaire se muer en déraillement politique…
Alexandre Vatimbella
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