La lune de miel entre Brasilia et Pékin semble toucher à sa fin et Washington pourrait devenir le nouveau partenaire privilégié du pays avec l’accession au pouvoir de Dilma Rousseff.
Car l’héritière politique du président Lula da Silva qui a pris la tête du Brésil en janvier, semble vouloir imposer ses vues très rapidement et celles-ci semblent également diverger de celle de son mentor qui avait axé ses alliances avec les pays du Sud et beaucoup d’ennemis des Etats-Unis.
Une des inflexions qui se dessinent est donc un réchauffement des relations avec les Etats-Unis et, parallèlement, un refroidissement de celles avec la Chine, c’est-à-dire l’exact contrepied à la politique menée par Lula da Silva.
Ainsi, le Brésil et les Etats-Unis sont désormais alliés au grand jour devant la sous-évaluation du yuan qui fait sans doute plus de dégâts au Brésil qu’aux Etats-Unis. La monnaie brésilienne, le real, est en effet fortement surévalué par rapport à la devise chinoise, ce qui commence à se traduire par un ralentissement des exportations brésiliennes, incapables de lutter contre la concurrence de produits à bas prix chinois. Plus grave, ces mêmes produits se déversent maintenant en nombre croissance sur le sol brésilien et supplantent les produits brésiliens sur leur propre marché. Du coup, des droits de douane supplémentaires pourraient toucher certains d’entre eux dans les semaines à venir.
Une rencontre entre le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, et le ministre des Finances brésilien, Guido Mantega, a été l’occasion pour les deux hommes de critiquer la politique économique et financière de Pékin. Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, le Brésil refusait de dissocier la sous-évaluation des monnaies chinoises et américaines par rapport au real.
Mais ce rapprochement entre le géant nord-américain et le géant sud-américain ne s’arrête pas là. Concernant le marché mondial des matières premières et notamment celui des matières premières agricoles, les deux pays s’opposent à une volonté de régulation proposée par la France pour éviter que la crise alimentaire qui se profile ne soit trop dure pour les plus pauvres.
Dans ce cadre, le Brésil a critiqué la vision française en expliquant que celle-ci ne visait qu’à protéger un peu plus les agriculteurs des pays riches face à la concurrence des pays émergents. Et, comme pour la monnaie chinoise, les autorités brésiliennes n’ont pas fait le parallèle entre l’agriculture européenne et l’agriculture américaine pourtant autant, si ce n’est plus, protégée et subventionnée que celle de l’Union européenne…
Ce rapprochement pourrait également induire l’achat d’avions militaires américains de préférence aux Rafales français. Une nouvelle preuve que Rousseff n’est pas Lula da Silva puisque ce dernier s’était engagé devant Nicolas Sarkozy à acquérir le chasseur construit par Dassault.
En tout cas, la prochaine visite du président américain, Barack Obama, au Brésil en mars, sera l’occasion de vérifier l’importance de ce rapprochement souhaité par nombre des conseillers de la présidente brésilienne. Déjà la Chine s’inquiète d’une alliance entre les Etats-Unis et le Brésil dont elle pourrait être la grande perdante alors qu’elle a tout fait ces dernières années pour que celle-ci ne puisse se dessiner. Une alliance qui pourrait isoler les Chinois qui ne parviennent pas, non plus, à normaliser leurs relations avec l’Inde et la Japon. Mais la Chine ne peut s’en prendre qu’à elle-même car l’hubris cultivé par les cercles du pouvoir à Pékin depuis deux ans a été très mal perçu par beaucoup de ses partenaires qui ont compris que la puissance asiatique roulait avant tout pour elle-même et non pour une mondialisation harmonieuse.
Alexandre Vatimbella
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