Beaucoup estiment, en cette rentrée 2010, que le passage de témoin s’est réalisé ces deux dernières années entre les pays riches en déclin irréversible et les pays émergents en ascension irrésistible. Du coup, ils espèrent que les déboires de la mondialisation et des pays riches condamnés à une croissance plus que molle seront compensés par la formidable expansion des grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Mexique et consorts). Néanmoins, de nombreux économistes doutent de cette capacité des émergents à remplacer les riches et à tirer la croissance mondiale à eux seuls.
D’abord parce que ces pays sont encore en développement pour beaucoup d’entre eux et que leur énergie économique se fait encore sur un terrain instable et avec de très nombreuses déficiences structurelles. Ensuite, et surtout, parce qu’une partie de la croissance des émergents vient de leur commerce avec les riches. Or, les riches n’étant plus capables d’acheter aux émergents dans les mêmes quantités, ces derniers n’ont pas d’autres débouchés immédiats qui vont se créer comme par miracle dans les semaines et les mois à venir.
Cela ne veut pas dire que les pays émergents ne vont pas continuer à croître plus fortement que les pays riches. Cela ne veut pas dire, non plus, qu’ils vont encore se rapprocher des sommets puis dépasser les pays occidentaux et le Japon dans les années qui viennent et qu’aux alentours de 2030-2050 ils contrôlent l’économie mondiale (même si les projections valent ce qu’elles valent et que rien n’est donné, une crise des émergents et un rebond des riches, par exemple, remettant en cause ce scénario a priori inexorable).
En revanche, cela signifie que les espoirs mis dans la capacité des grands pays émergents à tirer la croissance mondiale pour le bien de toute l’humanité dès maintenant ne semblent être qu’une simple chimère de plus à laquelle s’agrippent ceux qui n’ont pas encore compris que la mondialisation a mis tout le monde dans le même bain et que les efforts de tous sont essentiels et obligatoires pour que chacun profitent de ses bienfaits.
Alexandre Vatimbella
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