Sommes-nous, en matière de mondialisation, comme dans la célèbre chanson, dans un «Tout va très bien madame la marquise» pendant que tout se casse la figure autour de nous? On peut se poser sérieusement la question quand autant d’informations contradictoires nous parviennent et rendent les économistes neurasthéniques, eux qui ont déjà tellement de mal à prédire l’avenir sans se tromper même quand celui-ci semble écrit…
Ainsi, apprend-on, en même temps, que la croissance de la Chine en 2009 a été plus forte que les chiffres publiés jusqu’alors mais que de nombreux signes montrent un ralentissement de l’activité de la machine productive chinoise. Cela devrait être un bienfait puisque tous les experts s’accordent à dire que la surchauffe de cette même machine est un des principaux dangers qui guettent la planète. Eh bien, pour accueillir cette bonne nouvelle, toutes les bourses mondiales plongent!
Dans le même temps, les plans de rigueur adoptés les uns après les autres afin d’éviter à l’Europe d’imploser plombent le climat des affaires alors même que ce sont les investisseurs et les experts qui réclamaient cette rigueur. Dès lors, pour les rassurer, on affirme que la rigueur et la relance ne sont pas antinomiques et Christine Lagarde, la ministre de l’Economie française, se fend même de l’invention d’un nouveau terme dont il sera intéressant de voir la postérité à plus d’une semaine, la «rilance», qui allie rigueur et relance… Mais c’est bien parce que les plans de relance ont plombé les finances des pays européens que l’on a adopté la rigueur. Comprenne qui pourra!
On apprend également que le G20 n’est plus qu’un club d’individualistes qui croit chacun, à nouveau, à sa bonne étoile et à détenir la vérité ou, tout au moins, sa vérité pour s’en tirer mieux que le voisin dans une économie mondialisée où pourtant tout le monde se tient par la barbichette… Preuves à l’appui de cette déliquescence d’une solidarité qui n’aura même pas tenue le temps de trois sommets de la planète, le recensement édifiant de toutes les mesures protectionnistes prises par les Etats, en particulier ceux du G20, ces derniers mois avec une accélération récente bien inquiétante ainsi que le refus d’adopter des règles de bonne gouvernance notamment en matière financière.
Du côté de ceux qui décident vraiment, les Etats-Unis et la Chine, les discours passent de l’euphorie au désenchantement d’un jour à l’autre sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’une stratégie consciente de communication ou d’une totale perplexité angoissante. Il y a certainement des deux mais l’on voudrait comprendre comment le gouvernement chinois peut dans la même journée clamer haut et fort que tout va bien tout en disant que tous les indicateurs montrent une situation explosive. De leur côté, les Etats-Unis surfent sur leur déficit abyssal ayant décidé que la manière de le régler est renvoyé à des jours meilleurs, la seule urgence étant de relancer, comme on peut, la machine économique américaine dont les indicateurs disent un jour que tout s’améliore et le lendemain que tout se détériore…
Du côté des pays émergents, outre la Chine dont on vient de voir le pilotage à vue, l’Inde, le Brésil, la Russie et d’autres comme le Mexique, l’Argentine ou l’Indonésie, voient leurs croissances redécoller mais accompagnées de tous les ingrédients pour les faire rechuter aussi vite. L’inflation galopante de l’Inde recèle autant de danger que sa forte croissance recèle de bienfaits.
On pourrait continuer la litanie des bonnes mauvaises nouvelles ou des mauvaises bonnes nouvelles. Mais une chose semble se dessiner avec de plus en plus de justesse. Une économie mondialisée ne s’en sortira que si tous ses membres (ou la plus grande majorité, à tout le moins) s’en sortiront ensemble. Car si certains prédisent le passage de témoin entre les pays développés et les pays émergents en tant que chefs de la bande, ils oublient que ce qui a tiré jusqu’à présent la croissance mondiale c’est la possibilité pour les émergents d’avoir des clients solvables chez les développés. Et l’heure n’est pas encore au découplage de la mondialisation entre anciens riches et nouveaux riches. Si la récession refait son apparition, on peut dire que les acteurs de la mondialisation n’y seront pas tout à fait étrangers.
Bien sûr, une économie lunatique peut aussi virer à l’euphorie. Pour autant, il vaut mieux travailler à réguler positivement la mondialisation qu’à attendre que la «main invisible», de plus en plus invisible d’ailleurs, ne fasse son ouvrage. Même si l’on veut encore croire au Père Noël quand on est grand, n’oublions pas qu’il n’a pas l’habitude de récompenser les mauvais élèves…
Alexandre Vatimbella
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