Toute la politique étrangère de la Chine depuis des décennies consiste à trouver des alliés un peu partout dans le monde en se présentant, notamment, en défenseur des pays émergents mais aussi des pays les plus pauvres. Une entreprise qui n’a pas trop mal réussie jusqu’à présent mais qui commence à dangereusement se fissurer pour l’image de Pékin. Ainsi, après les récriminations des Occidentaux sur l’irresponsabilité chinoise (en matière économique et diplomatique), après les critiques des Africains sur le colonialisme chinois, voilà maintenant que ce sont les pays émergents, notamment d’Asie, qui pointent du doigt la Chine pour ses pratiques en matière de commerce extérieur (avec, entre autres, la manipulation du taux de change de sa monnaie.
Les critiques viennent d’Inde et du Brésil mais aussi des pays de l’Asean avec qui la Chine a pourtant signé un traité de libre-échange entré en vigueur au début 2010, au premier rang desquels on trouve l’Indonésie et Singapour. Les déclarations se font de plus en plus nombreuses sur une Chine qui ne joue pas le jeu ce qui a pour conséquence de mettre en difficulté ses partenaires. Avec des produits à bas prix qu’elle déverse dans le monde entier grâce notamment à la sous-évaluation du yuan, la Chine empêche l’émergence rapide d’une industrie indienne, taille dans les parts de marché du Brésil en Amérique latine, détruit des emplois et des secteurs entiers de l’industrie indonésienne et menace la santé économique de Singapour.
Si les autorités chinoises ont une réponse toute faire vis-à-vis des Occidentaux, Américains en tête, qu’elle accuse d’être les profiteurs du système économique mondial jusqu’à il y a peu et les responsables de la crise économique et financière récente, il est beaucoup plus difficile de justifier sa politique agressive et anticoncurrentielle vis-à-vis des autres pays émergents avec lesquels, pourtant, elle affirme vouloir bâtir des relations «gagnant-gagnant».
La Chine a beau multiplier les déclarations de bonnes intentions ainsi que de tenter de rassurer l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud sur sa volonté de partager le gâteau de la croissance mondiale, elle est de moins en moins crédible car les faits et les actes contredisent son discours aseptisé dont beaucoup pensent désormais qu’il est avant tout fait pour les endormir.
Du coup, la Chine qui voulait devenir la première puissance mondiale grâce à son «soft power» est en train de devenir la puissance au double-langage. Il est temps pour elle, si elle ne veut pas perdre tout son capital de sympathie, de revoir sa politique économique et financière pour le bien de l’économie mondiale mais aussi pour le sien. Et les dirigeants chinois redécouvrent qu’être une puissance mondiale n’a pas que des avantages…
Alexandre Vatimbella
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