Attaquée de plus en plus pour son arrogance et sa rigidité en matière économique, la Chine a formaté un discours dans la plus pure tradition de la langue de bois des années 1950-1960. En témoigne les récentes interventions de Wen Jiabao, le Premier ministre chinois.
La Chine n’est pas arrogante, elle est un pays en développement victime des méchants Etats-Unis et de leurs alliés qui veulent sa perte, elle est encerclée par des ennemis alors qu’elle ne veut que le bonheur de la planète, elle ne se développera jamais sur le dos d’aucun autre pays, sa politique économique n’est pas négociable mais juste, sa souveraineté ne souffre aucune discussion et ce sont les autres qui devraient faire des efforts pour suivre le modèle chinois. Depuis plus d’un an, le gouvernement communiste de Pékin a développé un discours à la fois offensif et de plomb allant répétant les mêmes affirmations avec une sûreté de plus en plus forte d’un acteur qui maîtrise de mieux en mieux son rôle. C’est encore celui-ci que le Premier ministre, Wen Jiabao, en parfait apparatchik d’un Parti communiste chinois, a délivré ces derniers jours lors de la session de l’Assemblée populaire. Un discours qui s’accompagne, à chaque fois, d’une déformation des faits comme c’est le cas sur le taux de change du yuan artificiellement et autoritairement maintenu à un niveau très bas, yuan qui, selon Wen Jiabao est à sa vraie valeur ce qui ne serait pas le cas des autres monnaies mondiales. Sans parler du fait que la Chine parle comme une grande puissance mondiale, exigeant ainsi tous les droits liés à ce statut tout en continuant à se positionner comme un pays en développement pour en refuser tous les devoirs! Son comportement lors de la conférence sur le climat de Copenhague en est un exemple emblématique.
Nier avec aplomb la réalité – ce qui rend impossible toute négociation - a toujours été une des caractéristiques des systèmes autoritaires, voire totalitaires. Alors que la Chine avait semblé prendre un tournant au début des années 2000, après sa régression due aux événements de la place Tien Amen en 1989, sa montée en puissance en matière économique a permis aux dirigeants communistes de dire tout haut ce qu’ils ont toujours pensé tout bas. Cette assurance qui s’appuie sur les taux de croissance du pays devrait interpeler les partenaires commerciaux de la Chine (soit quasiment toute la planète!) et les inciter à une plus grande concertation afin d’éviter une crise économico-diplomatique dans les mois et les années qui viennent.
D’autant que ce n’est pas l’intérêt des Chinois. Leur économie ne peut se développer que dans un cadre d’échanges internationaux tellement ils demeurent dépendants de leur modèle d’exportations à bas prix. Or, l’arrogance et la suffisance de ses dirigeants peuvent faire naître, si ce n’est déjà réaliser, un sentiment de défiance par rapport au régime en place à Pékin. Un régime dont les experts nous disaient qu’il s’ouvrirait petit à petit du fait du développement économique du pays. Or, semble-t-il, c’est le contraire qui se passe. La puissance économique de la Chine lui permet dorénavant d’être encore moins flexible qu’il y a trente ans. Ce modèle chinois, le capitalisme d’Etat dans une dictature de parti unique, n’est pas une bonne nouvelle pour le monde.
Alexandre Vatimbella
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