Du Népal au Pakistan, du Sri Lanka au Myanmar, du Bangladesh aux Maldives, la Chine s’installe tout autour de l’Inde donnant un peu de plus de réalité au pire cauchemar (avec l’islamisme) et à la plus grande paranoïa de cette dernière. On savait déjà que New Delhi était sur ses gardes aux frontières communes avec Pékin où les routes modernes du côté chinois ne sont que des voies mal entretenues côté indien pour éviter toute invasion militaire et… économique, et où les mouvements de troupes de l’armée populaire chinoise sont suivies de près par les nombreux soldats indiens déployés sur place. Mais l’Inde voit également avec inquiétude les constructions d’infrastructures financées par la Chine dans les différents pays qui sont ses voisins et que les Chinois utiliseront à leurs profits par la suite (notamment les ports), les aides économiques chinoises dans sa sphère d’influence ou le resserrement de liens diplomatiques comme au Népal ces derniers jours.
Du coup, les politiques indiens réagissent souvent à l’emporte-pièce. D’un côté, il y a les discours fédérateurs du style de celui de Manmohan Singh, le Premier ministre, voici quelques années, sur le fait qu’une alliance sino-indienne permettrait aux deux pays de diriger le monde en commun et, de l’autre, les discours guerriers, pointant la Chine comme la menace principale pour la sécurité indienne et appelant à se préparer à un conflit inévitable.
La question est donc de se demander si la Chine est vraiment en train d’encercler l’Inde? La réponse est oui… et non. Oui, parce que la rivalité entre les deux mastodontes d’Asie est ancestrale et que les sujets de divergence sont très nombreux (économiques, diplomatiques, militaires, frontaliers). La Chine n’est donc pas une alliée naturelle de l’Inde et les motifs de conflits potentiels existent. Non, parce que la Chine a plutôt intérêt à avoir l’Inde de son côté, à la fois, par son poids dans la région mais aussi parce que l’Inde sert de plus en plus de caution dans le bras de fer de Pékin avec les Occidentaux comme on a pu le voir au sommet climatique de Copenhague ou dans les positions prises par le Bric qui réuni la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie.
Mais une deuxième question en découle. L’Inde peut-elle attendre de savoir de quel côté penchera le balancier avant qu’il ne soit trop tard si jamais il penche du mauvais côté pour elle? Cette interrogation hante manifestement les responsables politiques du pays qui sont conscients de la menace chinoise (et qui doivent l’être de plus en plus depuis que Pékin hausse le ton internationalement ces dernières semaines) mais qui ont besoin de bonnes et pacifiques relations avec la Chine pour que le développement économique de l’Inde permette à celle-ci de sortir de leur sous-développement de nombreux secteurs de la société.
On pense souvent que l’arme nucléaire que possède l’Inde est avant tout une manière de se protéger contre la menace venue du Pakistan. Mais elle est aussi une protection contre la Chine. D’ailleurs, la réaction totalement hostile du gouvernement chinois – et qui provoqua de vives tensions entre les deux pays en 2008 - lorsque New Delhi a négocié un accord nucléaire avec la communauté internationale via le Etats-Unis pour se fournir en centrales et en carburants nucléaires démontre bien que la Chine fait bien partie des menaces prioritaires de l’Inde.
Alexandre Vatimbella
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